L'ex-chef de l'Etat centrafricain François Bozizé privé de présidentielle

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La candidature de l'ex-président François Bozizé à la présidentielle de fin décembre en Centrafrique a été invalidée jeudi par la Cour constitutionnelle au motif qu'il est poursuivi pour des crimes présumés, une décision qui laisse le champ libre au sortant Faustin Archange Touadéra.

Mais, dans un pays ravagé par sept années de guerre civile et aux deux tiers sous la coupe de groupes armés, l'éviction de cet homme au passé sulfureux mais toujours populaire dans une frange importante de la population fait craindre un regain des violences.

La guerre civile, la troisième en une vingtaine d'années dans ce pays parmi les plus pauvres du monde, avait éclaté en 2013 quand une coalition de groupes armés à dominante musulmane, la Séléka, avait chassé M. Bozizé du pouvoir. Depuis son exil, ce dernier était accusé, notamment par l'ONU, d'avoir organisé une contre-insurrection menée par des milices essentiellement chrétiennes et animistes, les anti-balaka.

Les combats entre groupes armés, issus ou non de ces deux mouvances, ont baissé d'intensité depuis 2018, mais les milices continuent de perpétrer des crimes contre les civils malgré un accord de paix signé en 2019 et la présence de Casques bleus de l'ONU.

"Considérant que le candidat fait l'objet d'un mandat d'arrêt international" de la justice centrafricaine depuis mars 2013, après sa fuite du pays, "pour assassinats, arrestations, séquestrations, détentions arbitraires et tortures", la Cour constitutionnelle a invalidé jeudi la candidature de M. Bozizé à la présidentielle dont le premier tour est prévu, en même temps que les législatives, le 27 décembre.

- Epine dans le pied de Touadéra -

Des crimes présumés commis sous le régime de ce général devenu président en 2003 après un coup d'Etat.

Il était la seule épine dans le pied de M. Touadéra pour la présidentielle, selon les observateurs.

"Le candidat fait l'objet de sanctions" de l'ONU datant de 2014 et renouvelées en 2020, et "il déroge au critère de bonne moralité inscrit dans le code électoral", poursuit la juridiction suprême. En 2014, les Nations unies avaient fait geler ses avoirs à l'étranger et lui avaient interdit de voyager, au motif qu'il avait "soutenu" depuis son exil des milices coupables, selon l'ONU, de "crimes de guerre et crimes contre l'Humanité".

"Ni le mandat d'arrêt ni les sanctions ne constituent des condamnations et il continue de bénéficier de la présomption d'innocence", a réagi pour l'AFP Christian Guenebem, directeur de campagne de M. Bozizé, ajoutant que "viendra le temps de la réaction".

M. Bozizé, un général cinq étoiles, était revenu d'exil il y a un an en catimini à Bangui où il vivait depuis au vu et au su de tous sans être inquiété. Il avait annoncé sa candidature en juillet 2020. Jeudi, au moment de l'annonce de son invalidation, il se trouvait près de Kaga Bandoro, dans le centre du pays, sur le territoire d'un chef de milice qui lui est fidèle, selon plusieurs sources humanitaires.

La Cour a également invalidé quatre autres candidats. Il en reste donc 17, dont M. Touadéra, pour un scrutin qui s'annonce sous haute tension. Nombre de Centrafricains mais aussi d'humanitaires et de diplomates, redoutent que M. Bozizé, déjà auteur de plusieurs tentatives de putsch depuis près de 40 ans, n'essaie de reprendre le pouvoir par la force.

- Des fidèles dans l'armée -

L'opposition dénonce notamment la "corruption" qui gangrène le régime de M. Touadéra. Elle accuse l'organe supervisant les scrutins du 27 décembre mais aussi la Cour constitutionnelle d'être inféodés au régime. Et menaçait, il y a peu, le gouvernement de "conséquences désastreuses" en cas de fraude électorale.

"Bozizé a manoeuvré politiquement et militairement pour son retour au pouvoir, par les urnes ou par la violence", estime Nathalia Dukhan, de l'ONG américaine The Sentry.

Certains chefs des groupes armés sont ceux qui l'ont hissé au pouvoir en 2003. Issu de l'ethnie Gbaya, l'une des plus importantes du pays, M. Bozizé jouit d'une solide base populaire et compte encore de nombreux fidèles dans l'armée.

"Il serait assez mal inspiré de tenter quelque chose avant les élections, car il aura toute la communauté internationale sur le dos", tempère Thierry Vircoulon, directeur pour l'Afrique centrale à l'Institut français des relations internationales (IFRI).

D'autant que M. Touadéra est solidement installé au palais de la Renaissance, sous bonne garde des Casques bleus rwandais et de paramilitaires du groupe russe de sécurité privé Wagner.

M. Bozizé écarté de la course, l'opposition se présente en ordre dispersé pour le 27 décembre et les plus connus, comme Anicet-Georges Dologuélé, Martin Ziguélé, Karim Meckassoua, Nicolas Tiangaye, et Catherine Samba Panza, présidente de transition entre 2014 et 2016, n'ont qu'une très faible assise électorale hors de leurs fiefs locaux.