Une rencontre entre de femmes méditerranéennes veut leur donner plus de visibilité

A Caranzano, au fin fond de la campagne piémontaise dans le nord de l’Italie, une rencontre  organisée par le Fonds pour les Femmes en Méditerranée a eu lieu du 6 au 8 juillet. Objectif : mettre sur pied un réseau média des femmes de la Méditerranée

Une rencontre entre de femmes méditerranéennes veut leur donner plus de visibilité©DR
Les membres du Fonds pour les Femmes en Méditerranée en conclave
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Les femmes des deux rives nord et sud de la Méditerranée ont un point commun : un manque de visibilité dans les médias mainstream, y compris lorsqu’il s’agit d’histoires et d’expériences inédites et innovantes les concernant. Sous représentées et stéréotypées, elles sont souvent victimes d’un sexisme ordinaire, qui semble avoir la vie dure. Voilà ce qui a poussé le Fonds pour les Femmes en Méditerranée (FFMed), une ONG française créée il y a dix ans pour soutenir financièrement les associations féministes, à organiser à Caranzano, un village minuscule niché dans le piémont italien, une rencontre sur « Femmes et médias ». La rencontre avait pour objectif la mise en place d’un réseau média sur les femmes et par les femmes journalistes et activistes féministes de la Méditerranée. Elle répond à un besoin des unes et des autres d’accéder à une information fiable et libre de tout stéréotype et de tout fake news sur le genre.

« Cela fait 5 ans que nous cherchons à concrétiser ce projet »

Fondatrice du Fonds pour les Femmes en Méditerranée, Caroline Brac de La Perrière est née en Algérie il y a près de 60 ans. Dix ans après la mise sur pied de cette organisation, elle continue, avec la même énergie et la même détermination, à représenter la  cheville ouvrière du FFMed. Elle explique : « Au cours d’une réunion qui s’est déroulée à Paris l’année dernière où nous avons invité nos vingt conseillères de la région, certaines ont beaucoup insisté sur le besoin de mettre en place un réseau de journalistes féministes qui traitent la question des femmes à la fois d’une manière respectueuse et positive. Cela faisait cinq ans que nous cherchions à concrétiser un tel projet ».

Finalement c’est la rencontre avec Monica Lanfranco, une féministe italienne, également journaliste et écrivaine, qui a rendu l’idée possible. Monica Lanfranco propose de mettre sa grande maison piémontaise à la disposition du groupe. Et les voilà une vingtaine de femmes journalistes et activistes féministes de France, d’Italie, du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, du Liban, de Palestine, d’Espagne, de Croatie qui investissent « l’Atra Dimora » (L’autre demeure), de la féministe italienne et remplissent ses murs de discussions et de projets.

Langage sexiste, stéréotypes et banalisation de la violence

« Vingt ans de berlusconisme ont fait beaucoup de tort aux femmes italiennes. Leur image est réduite au sexe et à la beauté. A Télé 5, on parle de violence à l’égard des femmes comme il y a cinquante ans, en banalisant le mal et en prenant presque le parti des agresseurs. Souvent à la télé, on ne peut rien faire d’autre que d’éteindre l’écran », témoigne Frederica Tourn, journaliste italienne.

« Un langage sexiste règne dans notre paysage audiovisuel. Attention aux mots que nous utilisons. Car les mots sont des pierres : on peut bâtir une maison avec comme on peut tuer quelqu'un », ajoute Monica Lanfranco.

Les constats que font les Italiennes sont partagés par la plupart des participantes, qui ont relevé la rareté des publications féministes ici et ailleurs. Ainsi que l’éparpillement des initiatives en faveur de la visibilité des femmes, tel l’Association de journalistes femmes « Prenons la Une » en France, « Sawt Ennissa » (La Voix des femmes) en Palestine et le militantisme en solo des bloggeuses et youtubbeuses suivies par des milliers de personnes en Espagne, Croatie, Liban, Maroc, Algérie…Ces dernières sont toutefois souvent livrées à la vindicte et au cyber harcèlement sexistes susceptibles de détruire les militantes les plus endurcies. D’où l’idée que défend Monica Lanfranco d’unir toutes les synergies pour produire dans le cadre d’un réseau/plateforme : « Un journalisme nouveau, fait de photos, BD, caricatures, articles, vidéos… ».

Les bons exemples se trouvent aussi dans le Sud de la région

Pendant les journées d’échange et de débat à Caranzano, un premier jet du projet réseau/plateforme des femmes de la Méditerranée a été esquissé. Cette structure veut diffuser l’information et les bonnes pratiques à propos des femmes. « Les femmes du sud peuvent être aussi inspirantes que les femmes du nord. Tout bouge si vite sur la rive sud de la Méditerranée », insiste Nidhal Al Azhari, activiste féministe marocaine et présidente de l’association Union des féministes libres.

« C’est une structure qui peut devenir un outil fabuleux d’échange, dans la mesure où nous cherchons toutes une plateforme dotée d’informations fiables sur les femmes de la région. Une sorte de caisse de résonnance de tout ce qui se passe chez nous du côté des femmes. Le réseau/plateforme peut servir d’endroit pour les femmes journalistes de diffuser toute cette matière qu’elles n’arrivent pas à passer dans leurs médias à défaut d’intérêt de leur rédaction pour les questions féministes », insiste Caroline Brac de la Perrière.

Un nom pour le réseau : « Medféminisswiya »

Le réseau veut aussi renforcer la solidarité et la complémentarité entre les militantes professionnelles, les activistes sur les réseaux sociaux et les journalistes tout en essayant d’atteindre les grands médias en y relayant une matière utile et attractive sur le vécu et les droits des femmes. Car tout l’art à ce niveau consiste à sortir des niches et des cercles traditionnels féministes pour devenir un levier pour une prise de décision en faveur des femmes et de leurs droits et libertés.

A Caranzano, un bureau, un conseil et une équipe de coordination ont été choisis pour commencer à travailler sur la forme et le contenu du réseau. Il reste à trouver les fonds pour rendre l’initiative possible. Le FFMed, qui a déjà financé 200 projets féministes semble bien maitriser les mécanismes pour financer ce nouvel outil d’information et de communication baptisé « Medféminisswiya ».