16.12.10 - TPIR/MANDAT - LE PARI MANQUE DU TPIR POUR L'AN 2010

Arusha, 16 décembre 2010 (FH) - Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui comptait rendre ses jugements cette année dans trois grands procès collectifs a dû se fixer de nouveaux délais pour ces décisions tant attendues.

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Le juge Dennis Byron, président du TPIR, avait annoncé ce pari le 3 décembre 2009 devant le Conseil de sécurité, alors que dans l'un des trois procès, les débats étaient clos depuis un an.

Ces trois affaires, qui comptent parmi les plus importantes de l'histoire du tribunal, impliquent 14 personnes, dont cinq anciens ministres et les anciens patrons de l'armée et de la gendarmerie. De grands dignitaires accusés d'avoir participé au plus haut niveau à la préparation du génocide des Tutsis de 1994.

S'exprimant devant la même institution, il y a une dizaine de jours, le juge Byron s'est rendu à l'évidence. « Nous attendons les jugements dans quatre procès (dont les trois) impliquant 15 accusés au cours du premier semestre de l'année 2011 », a-t-il indiqué, en précisant que les autres accusés seraient fixés sur leur sort au cours du deuxième semestre.

Dans le procès « gouvernement II », où ont comparu les anciens ministres des Affaires étrangères Jérôme Bicamumpaka, de la Santé Casimir Bizimungu, du Commerce Justin Mugenzi, et de la Fonction Publique Prosper Mugiraneza, les juges planchent sur le jugement depuis deux ans. C'est en effet en décembre 2008 que les parties ont plaidé leurs conclusions finales.

Ces anciens dignitaires, dont le procès a commencé en novembre 2003, sont notamment accusés d'incitation au génocide lors de différentes réunions à travers le pays.

Dans l'affaire « Butare » impliquant six accusés dont l'ancienne ministre de la Famille Pauline Nyiramasuhuko, unique femme inculpée par le TPIR, les débats ont été clos le 30 avril 2009 avec les réquisitions et les plaidoiries finales. Parmi les co-accusés de Nyiramasuhuko, figure son fils Arsène Shalom Ntahobali, accusé notamment d'avoir commis des viols sur ordre de sa mère. Ouvert en juin 2001, ce procès, célèbre pour sa lenteur, est par ailleurs le plus long et sans doute aussi le plus coûteux de l'histoire de la justice pénale internationale.

S'y ajoute celui de quatre officiers, dont les anciens chefs d'état-major de l'armée et de la gendarmerie, les généraux Augustin Bizimungu et Augustin Ndindiliyimana. L'affaire a débuté en septembre 2004 et les débats sont clos depuis juin 2009.

Le TPIR, appelé en tant que tribunal des Nations Unies, à donner l'exemple, respecte-t-il le droit d'être jugé dans un délai raisonnable ? Les accusés et leurs avocats, du moins dans ces trois affaires, répondent par la négative. Parmi les plus impatients, figure Mugiraneza qui a déjà demandé en vain à quatre reprises l'annulation de l'acte d'accusation, arguant de ce retard.

Sa dernière requête a été rejetée par la chambre en juin dernier, mais avec une opinion dissidente « historique » de la part de l'un des trois juges. Bien qu'en désaccord avec l'abandon des poursuites, le juge Emile Francis Short estime que les droits de l'ex-ministre ont été effectivement violés. Ainsi, conclut-il, la réparation devrait être une réduction de peine en cas de verdict de culpabilité et une compensation en cas d'acquittement.

Pourquoi tant de retard ? Le juge Byron explique que la plupart des juges, à commencer par lui-même, siègent dans plusieurs procès à la fois. Mais le principal problème est actuellement, selon lui, l'érosion du personnel. Depuis le début de l'année, 100 employés ont quitté le tribunal. Certains sont partis dans le cadre de la compression progressive et d'autres ont rejoint des institutions plus pérennes, notamment au sein même du système des Nations Unies.

Parmi eux, figurent par ailleurs 19 membres du « personnel d'appui juridique aux chambres », a précisé le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga. Si la question n'est pas réglée, « nous ne pouvons pas exclure de nouveaux retards dans les jugements », a prévenu le président du tribunal, devant le Conseil de sécurité qui lui a demandé avec insistance de terminer les procès en première instance l'année prochaine.

ER/GF

© Agence Hirondelle