14.07.11 - TPIR/PROCES - UN PREMIER « SEMESTRE EPOUSTOUFLANT », SELON LE PORTE-PAROLE

Arusha, 14 juillet 2011 (FH) - Les chambres de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ont pu, depuis le début de l'année, rendre leurs jugements dans trois affaires impliquant onze accusés, dont deux généraux et une ancienne ministre.

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Elles ont ainsi manqué de peu leur pari : elles prévoyaient, pour la même période, de prononcer le verdict dans le procès impliquant quatre autres membres du gouvernement en place pendant le génocide des Tutsis de 1994. La chambre concernée a fixé le jugement au mois prochain.

Selon son porte-parole, Roland Amoussouga, « le TPIR a connu un semestre époustouflant qui s'inscrira dans son histoire comme étant l'un des plus riches bilans de productivité judiciaire, surtout en matière de jugements ».   

« Gatete a armé les tueurs »   

La marche a été ouverte, sans fanfare, le 29 mars, par le verdict dans le procès de Jean -Baptiste Gatete, ancien directeur au ministère de la Famille et de la promotion féminine, condamné à la perpétuité après avoir été jugé coupable de génocide et extermination.

Conduits par la Pakistanaise Khalida Rachid Khan, nouvelle présidente du TPIR depuis le mois de mai, les trois juges ont conclu à sa responsabilité dans les massacres de Tutsis en trois endroits de l'est du Rwanda en avril 1994, dont l'église paroissiale de Mukarange.  

A Mukarange, Gatete a, non seulement donné des ordres, mais aussi armé les tueurs, selon le jugement. « Les fusils et grenades apportés par Gatete et d'autres autorités ont été un facteur décisif dans le succès de l'attaque » contre les Tutsis qui y avaient cherché refuge, a conclu la chambre.   

Généraux condamnés pour responsabilité de supérieur hiérarchique   

Le 17 mai, date du jugement dans l'affaire « Militaires II » , la galerie du public était débordée par une foule, dont de jeunes touristes qui, entre deux safaris, avaient fait escale au tribunal.

L'ex-chef d'état-major de l'armée, le général Augustin Bizimungu a été condamné à 30 ans de réclusion tandis que son ancien homologue de la gendarmerie le général Augustin Ndindiliyimana s'en est tiré avec 12 ans de prison, soit la durée de sa détention préventive. Il a donc été immédiatement remis en liberté.

Les deux généraux ont été reconnus coupables de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, pour des actes de leurs subordonnés. Mais le jugement a établi une distinction entre les deux hommes. 

Dans le cas Ndindiliyimana, le tribunal n'a retenu aucune forme de responsabilité directe. La chambre a, en revanche,  retenu des circonstances atténuantes, jugeant que l'ancien officier n'exerçait qu' « une autorité limitée sur la gendarmerie » après le 6 avril 1994, qu'il s'était opposé aux massacres et soutenait une résolution pacifique du conflit dans son pays.

S'agissant de Bizimungu, la chambre a par ailleurs conclu que l'ancien général avait  lancé un appel au massacre dans un discours prononcé le 7 avril 1994 dans la commune Mukingo (préfecture de Ruhengeri, nord). Ce discours, une forme de responsabilité directe, fut, selon les conclusions des juges, à l'origine du meurtre de plusieurs rwandais d'origine tutsie dans la localité voisine de Rwankeri.

Les autres accusés, le major François-Xavier Nzuwonemeye et le capitaine Innocent Sagahutu ont été condamnés à 20 ans de prison chacun. Ce jugement a consacré, plus que tout autre dans l'histoire du TPIR, la responsabilité de supérieur hiérarchique.     

Première femme condamnée pour génocide par un tribunal international   

La foule était encore plus nombreuse le 24 juin. La galerie du public, bondée déjà une heure avant l'entrée des juges, n'avait d'yeux que pour Pauline Nyiramasuhuko, première femme jugée pour génocide devant un tribunal international, unique femme à avoir été inculpée par le TPIR et mère accusée d'avoir incité son fils à violer des femmes et des filles tutsies. Reconnue coupable d'entente en vue de commettre le génocide, génocide, extermination, viols, persécution, violence à la vie, autres actes inhumains et outrage à la dignité de la personne humaine, l'ex-ministre de la Famille et de la promotion féminine a été condamnée à la peine maximale. La chambre a notamment conclu qu'elle avait ordonné des viols à Butare, le chef-lieu de sa préfecture natale. Son fils Arsène Shalom Ntahobali, et l'ancien maire de Muganza, (sud), Elie Ndayambaje ont également été condamnés à la prison à vie. Les trois autres co-accusés se sont vus infliger des peines allant de 25 à 35 ans de détention.

Le jugement est tombé 16 ans après l'arrestation de certains d'entre eux et plus de deux ans après la clôture des débats.

Ouvert en juin 2001, ce procès est par ailleurs, jusqu'ici, le plus long et sans doute aussi le plus coûteux de la justice internationale.   

Arrestation d'un ex-chef milicien présumé   

Au niveau de la chambre d'appel, deux arrêts ont été rendus durant le premier semestre. La perpétuité a été confirmée le 1er avril contre le colonel Tharcisse Renzaho, ancien préfet de la capitale rwandaise, Kigali. Le même jour, le colonel Tharcisse Muvunyi a vu sa peine de 15 ans de réclusion confirmée.

Au cours de cette période, le TPIR peut aussi se féliciter de l'arrestation le 26 mai, en République démocratique du Congo (RDC), de Bernard Munyagishari, un ancien chef milicien présumé.

Par ailleurs, une chambre de première instance a autorisé, le 28 juin, le tout premier renvoi d'une affaire devant la justice rwandaise. Cette décision, déjà attaquée en appel, vise le pasteur pentecôtiste Jean Uwinkindi aujourd'hui en grève de la faim, en guise de protestation.

ER/GF

© Agence Hirondelle