29.01.08 - TPIR/JUGES - LLOYD WILLIAMS, UN JUGE ACCOMPLI ET UN GENTLEMAN

Arusha, 29 janvier 2008 (FH) - Le juge Llyod George Williams connu pour sa méticulosité et son amour du droit et qui a servi tant au niveau national qu’international est décédé à l’age de 80 ans à la suite d’un cancer le 16 janvier dernier dans sa résidence de Saint Kitts et Nevis dans les Caraïbes. Il sera enterré mercredi.

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Il était jusqu'en 2004 juge au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) qui juge les suspects du génocide de 1994. L’histoire retiendra de lui l’image d’un personnage hardi et d’un pionnier du système de justice internationale.
L’une de ses nombreuses décisions prises avant qu’il ne démissionne « pour des raisons personnelles » au mois de février 2004 est « le jugement Cyangugu » qui concerne trois anciens responsables rwandais accusés de crimes commis dans cette région du sud-ouest du pays.
Le juge Williams, qui présidait l’affaire, a pris acte de l’opinion majoritaire de ses deux collègues même s’il ne la partageait pas. Il s'est notamment opposé à l’acquittement d’un des trois accusés, Emmanuel Bagambiki, l’ancien préfet de Cyangugu. « …Je marque mon désaccord avec l’opinion de la majorité telle qu’exprimée dans le jugement, et en ce qu’elle absout Bagambiki de toute responsabilité pénale relativement aux questions découlant des deux événements par moi soulevés dans la présente opinion (NDLR : terrain de football de Gashirabwoba et évacuation des réfugiés de la cathédrale de Cyangugu et du stade Kamarampaka).
Il résulte, à mes yeux, des éléments de preuve … que l’accusé ne saurait être absous de la responsabilité qu’il encourt à raison des actes par lui commis, ni de celle qui lui est imputable du fait d’être la plus haute autorité civile de la préfecture de Cyangugu », écrit le juge Williams dans une opinion séparée et dissidente annexée au jugement.
Ses assesseurs étaient les juges Yakov Ostrovsky (Fédération de Russie) et Pavel Dolenc (Slovénie) qui ont depuis quitté le TPIR après avoir terminé leurs contrats.
L’acquittement de Bagambiki avait provoqué des manifestations au Rwanda et crée une nouvelle tension entre Kigali et le TPIR. Bagambiki réside actuellement en Belgique mais Kigali n’a pas encore baissé les bras. Il entend le poursuivre sur base des charges de viols et l’a mis sur une liste de personnes recherchées.
L’autre personne acquittée dans ce procès était l’ancien ministre des transports André Ntagerura. Un ancien officier de l’armée rwandaise, Samuel Imanishimwe, a pour sa part été condamné à 27 ans de prison, peine réduite à 12 ans en appel.
« Williams était un juge accompli et un gentlemen. Son approche vis-à-vis du travail du tribunal démontrait son intégrité et sa sincérité. Ses jugements prouvent son engagement à assurer un procès équitable même en face d’allégations portant sur des crimes horribles », a expliqué à l'agence Hirondelle Mathieu Carlson, qui a travaillé étroitement avec lui en tant qu’assistant juridique de la III ème chambre durant ses deux premières années de fonction entre 2002 à 2004. Selon lui, «il abordait chaque décision avec un esprit ouvert, mais son inébranlable sens du vrai ou du faux était son ultime guide ».
Le défunt juge est également regretté par son successeur, le juge Dennis Byron, qui l'avait rencontré le 17 décembre dernier à sa résidence de Frigate Bay à Saint Kitts. « Il était entouré par son épouse Cynthia, sa fille et son fils. A ce moment-là, sa conversation pertinente, incisive et son bel humour ne présageaient nullement la triste nouvelle de son décès la semaine dernière », se rappelle le juge Byron, l’actuel président du TPIR, également originaire de Saint-Kitts. Le juge Byron a été élu par l’assemblée générale de l’ONU en remplacement du juge Williams en 2004.
« Il (Williams) a eu une carrière remarquable au service du droit. En tant que chef des poursuites devant les tribunaux (de son pays), il était un maître de l’éloquence et un remarquable juriste en matière pénale », poursuit le juge Byron. Devenu juge, il a acquis la réputation d’être strict en ce qui concerne le maintien de l’ordre et de la discipline au prétoire. « Ses jugements étaient justes et respectés et il était normal que sa dernière mission soit effectuée dans le système de justice pénale internationale », estime Byron.
Selon le porte-parole du TPIR, Roland Amoussouga, au nom du greffier Adama Dieng, « le juge Williams a dédié sa vie à la justice en faveur de ses frères les humains… Nous avons perdu un des principaux acteurs qui ont contribué à faire progresser le système de justice internationale au TPIR ».
Au TPIR, le juge décédé a eut une nette influence professionnelle, mais il était aussi apprécié par le personnel, où il comptait beaucoup d’amis. Ses proches disent que ce juge élancé était une personne charmante. Il trouvait du temps chaque fois que quelqu’un l’approchait pour lui demander un conseil.
L’une des premières choses qu’il a faites dès son arrivée en Tanzanie a été de gravir les pentes du Kilimanjaro. A 73 ans, il est allé jusqu'à la deuxième étape, un record qu’aucun autre juge n’a battu à ce jour. Quand il en trouvait le temps il aimait se promener à pied le soir, et était connu pour ses lectures tardives.
Le juge Williams a été élu par l’assemblée générale de l’ONU en novembre 1998 avait été réélu en janvier 2003.
Né en juin 1927, il avait commencé sa carrière en tant qu’avocat en 1959 en Angleterre. Par la suite, il a été affecté en Jamaïque avant de devenir chef des poursuites à Antigua et procureur général adjoint en 1982. De 1983 à 1993, il était juge à la Cour suprême de l’Est-Caraïbe. Il a été nommé « Queen’s Counsel » en 1981 par sa majesté la Reine Elisabeth II d’Angleterre pour ses bons et loyaux services dans le domaine du droit.
SC/PB/GF