LE PROCUREUR DU TPIR MIS EN ECHEC DANS SA POLITIQUE DE TRANSFERT

La Haye  24 Aout  2007 (FH - TPIR/TRANSFERT )  -  Après la décision d’un tribunal hollandais de s’estimer incompétent pour juger des suspects du génocide rwandais et la remise en liberté en France de deux suspects désignés, le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) est face à un véritable casse tête s’il veut finir son mandat à la fin de l’année 2008.

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  Le Conseil de sécurité, qui l’a créé en 1994, lui a demandé de clore ses procès en première instance d’ici 16 mois alors que 12 procès sont en cours et que neuf accusés attendent d’être jugés. Pour y parvenir, le TPIR a déjà dit son intention de transférer ses derniers accusés vers d’autres juridictions dont celle du Rwanda. Mais après cette démission de la Hollande, et la rupture des relations diplomatiques entre la France et Kigali, la liste des volontaires pour prendre le relais du TPIR n’est plus bien longue.   Premier a être transféré sur la base de l’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve, Michel Bagaragaza est à nouveau entre les mains du TPIR qui attend son arrivée au centre de détention à Arusha. Le 30 août 2006, il s’était déjà vu refuser son transfert vers la Norvège dont la législation ne connait pas le crime de génocide.   Il avait finalement été envoyé à La Haye, pour sa sécurité en attendant son procès, parce qu’il avait accepté de témoigner dans d’autres affaires du TPIR. Aujourd’hui, si le Tribunal international ne se charge pas de son dossier ou s’il ne trouve pas d’autres Etats qui acceptent de le juger, il devrait être transmis aux autorités rwandaises qui le réclament.   D’une manière générale, le droit international reconnaît aux Etats une compétence répressive universelle. « A crime universel répression universelle » explique Olivier Corten, responsable du Centre de droit international de l’université libre de Bruxelles.   Cette compétence universelle est tantôt permise (par exemple la convention sur la prévention et la répression du génocide de 1948), tantôt obligatoire (notamment les Conventions de Genève de 1949). Cependant, elle n’est unanimement admise que lorsque le suspect est trouvé sur le territoire de l’Etat qui veut poursuivre.   Alors que le monde revit sans cesse ces mêmes horreurs et massacres, certains pays comme la Belgique, la Suisse et l’Espagne avaient décidé dans les années 90, de se doter ou de se reconnaître une compétence universelle absolue qui leur permet de juger toute personne, quelle que soit sa nationalité, celle de la victime et le lieu de l’infraction.   Ces Etats s’étaient posé comme impératif légal et moral de tout mettre en œuvre pour poursuivre les auteurs de ces crimes dont on avait juré, au lendemain des procès de Nuremberg, qu’ils ne se reproduiraient plus. Impératif légal en raison des engagements internationaux pris, et moral comme un devoir éthique de lutter contre l’impunité des crimes les plus graves.   Tous l’ont exercée, mais aujourd’hui, l’Espagne est la seule à encore la détenir. Les autres pays ont renoncé par manque de moyens face au nombre de plaintes posées, ou en raison de pressions liées à leurs intérêts politiques sur la scène internationale, à leurs activités commerciales  à l’étranger, ou à un effet d’appel en matière de demandes d’asile. Ils n’exercent plus qu’une compétence déléguée.   Dans la majorité des autres pays, tels que le Canada, l’Australie, les Etats-Unis (qui ont tous les trois déjà exercé leur compétence universelle déléguée), la présence de l’accusé sur le territoire, exigée pour pouvoir le juger, pose évidemment problème dans le cadre de la procédure de transfert de l’article 11 bis du Règlement de procédure et de preuve du TPIR puisqu’il a été arrêté ailleurs.   Mais, même dans les cas où cette condition était remplie, les poursuites n’ont finalement pas été possibles par manque de base légale interne, en témoigne le cas de Bagaragaza en Hollande.   Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a déjà procédé à de nombreux transferts sur la base de l’article 11 bis du Règlement (14 jusqu’à présent). Mais tous l’ont été vers les Etats de l’ex-Yougoslavie tandis que le TPIR lui, autorise le renvoi vers n’importe quel Etat qui se déclarerait compétent.   Le but du TPIY est à la fois de décentraliser la justice pénale pour désengorger les poursuites en ne conservant que les hauts dirigeants mais également, et surtout, d’associer ces Etats, victimes de leur propre guerre, au jugement de leurs ressortissants.     AV/PB/GF   © Agence Hirondelle