OPINION

Semaine de la justice transitionnelle : le Kosovo rattrapé, l'ONU désarmée

Semaine de la justice transitionnelle : le Kosovo rattrapé, l'ONU désarmée©Flickr
Images de disparus au Kosovo
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Semaine chargée pour la justice transitionnelle qui du Cambodge au Kosovo en passant par le Kenya et le Burundi apparait comme un acteur important mais trop souvent tardif et hésitant au sein de la communauté internationale.

Ainsi, le gouvernement néerlandais a annoncé vendredi la création par l’Union européenne à La Haye d’un tribunal spécial, chargé de juger des crimes de guerre présumés commis par des membres de la guérilla indépendantiste kosovare albanaise (UCK), confirmant une information de Justiceinfo.net. Ce tribunal sera de droit kosovar mais composé de juges internationaux et délocalisé en Europe de peur des menaces et intimidations sur les témoins et magistrats des accusés, des “héros nationaux” devenus les nouveaux maitres de cette ancienne province serbe. Pristina est sous pression de créer un tel tribunal depuis la publication en 2011 d'un rapport du Conseil de l'Europe sur les exactions présumées commises par des membres de l'UCK sur quelque 500 prisonniers serbes et roms pendant la guerre.

Ce "rapport Marty" (du nom de l’ancien procureur suisse et membre du conseil de la Fondation Hirondelle) dénonçait des exécutions sommaires, des enlèvements et un trafic d'organes, prélevés sur des victimes. Il mettait en cause l'ex chef de la guérilla et actuel ministre des Affaires étrangères kosovar Hashim Thaçi, accusations que l'intéressé a démenties.

Autre justice tardive : le procès au Cambodge de deux proches de Pol Pot, le leader des khmers rouges, pour génocide présumé de la communauté cham une minorité musulmane entre 1975 et 1979. Entre 100.000 et 500.000 Chams (sur un total de 700.000) ont été tués par le régime de Pol Pot, qui a fait quelque deux millions de morts. L'idéologue du régime Nuon Chea, 89 ans, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphan, 84 ans, comparaissent depuis 2011 pour leurs responsabilités dans les atrocités commises entre 1975 et 1979. Au procès, une survivante, adolescente au moment des faits, Math Sor a raconté mercredi l'arrivée dans son village de cadres du régime khmer qui ont enfermé et ligoté dans une maison une trentaine de femmes, avant d'emmener certaines d'entre elles.

"J'ai entendu des femmes crier “S'il vous plaît, ne me violez pas", a raconté cette femme Cham. Elle a ajouté avoir vu au travers d'une fissure dans le mur, des soldats décapiter les femmes.

Lentement, la justice transitionnelle suit aussi son cours à la Cour Pénale Internationale qui a examiné une demande d’abandon des poursuites contre le vice-président kényan William Ruto et le présentateur de radio Joshua Arap Sang, accusés notamment de crimes contre l'humanité commis durant les violences postélectorales de 2007-2008. Une décision des juges sur la requête de la défense sera rendue d’ici quelques semaines, en cette affaire symbolique pour l’Afrique. Le Kenya, soutenu par l'Union africaine accuse la CPI ne de ne poursuivre que des Africains. Faute de preuves suffisantes, l'accusation a déjà abandonné en décembre 2014 les poursuites contre le président kényan Uhuru Kenyatta, ancien rival devenu allié politique de Ruto.

Ces leçons du passé ne suffisent pas à conjurer les crimes présents.

L’ONU dans un mémorandum confidentiel mais révélé par la presse a reconnu qu’en cas de dérapage de la crise au Burundi ne pas avoir les moyens de protéger efficacement les civils si le pire se produit, c'est-à-dire un génocide. Comme si les Nations Unies voulaient par avance se couvrir. Autre avertissement de l’ONU, cette fois-ci à la Syrie, un pays abandonné par la communauté internationale : le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a qualifié de “crimes de guerre” le siège des villes affamées comme Madaya par le régime de Bachar al-Assad et l’opposition armée. Le Conseil de sécurité peut en principe saisir la Cour pénale internationale de crimes de guerre en Syrie, domaine de compétence de la CPI. Mais, la Russie et la Chine, qui protègent le régime syrien des pressions occidentales, bloqueraient une telle initiative.