Kosovo : un gouvernement instable face à la justice internationale

Kosovo : un gouvernement instable face à la justice internationale©
Affiche électorale à Pristina d'Hashim Thaci
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Le Kosovo risque d'affronter une période d'instabilité à l'issue des législatives anticipées de dimanche, qui n'ont pas désigné un vainqueur clair, conduisant la coalition des anciens chefs de la guérilla, arrivée en tête, à essayer de former une majorité.

"La crise politique n'est pas résolue (...) et cela veut dire que le pays ne pourra pas aller de l'avant" sans une médiation de la communauté internationale, comme cela avait été déjà le cas à l'issue des élections de 2014, a commenté l'analyste politique kosovar Belul Beqaj.

En 2014, une telle médiation avait abouti à la mise en place d'une coalition entre le Parti démocratique du Kosovo (PDK) du président Hashim Thaçi, ancien chef de la guérilla, et leurs rivaux de la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, centre droit), plus proche des milieux économiques et de la société civile.

Mais cette coalition a éclaté en mai autour du sujet brûlant de la ratification d'un accord sur la démarcation de la frontière avec le Monténégro. Cet accord était une condition posée par l'Union européenne afin de lever le régime de visas en vigueur pour les citoyens du Kosovo.

La communauté internationale sera une nouvelle fois appelée à aider "les différents acteurs politiques kosovars à trouver des compromis" en vue de trouver une majorité au parlement du Kosovo, qui compte 120 députés, selon M. Beqaj, alors que la répartition des sièges ne devrait être annoncée que dans le courant de la semaine.

La "coalition des guerriers", réunie derrière le PDK de M. Thaçi est en tête avec un tiers des voix (34,75%), selon un décompte de la Commission électorale après le dépouillement d'environ 90% des suffrages. Elle est talonnée par les deux autres principaux partis, Vetëvendosje (gauche nationaliste, 26,4%) et la Ligue démocratique du Kosovo (LDK, centre droit, 25,8%).

- Vetëvendosje a doublé son score -

Mais ces deux partis ont écarté pendant la campagne électorale l'éventualité d'une coalition avec "les guerriers", en particulier Vetëvendosje qui entretient des relations exécrables avec le PDK de M. Thaçi.

L'hypothèse d'une alliance entre Vetëvendosje et la LDK apparaît pour l'heure tout aussi improbable. Vetëvendosje s'oppose fermement à l'accord de normalisation conclu en 2013 avec la Serbie, et semble sur ce point plus proche du candidat des "guerriers" au poste de Premier ministre, l'ancien rebelle Ramush Haradinaj, considéré comme un criminel de guerre par la Serbie qu'il dépeint comme une "ennemie".

La LDK prône en revanche sans équivoque la poursuite du dialogue avec Belgrade.

Avec son discours alliant thématiques économiques de gauche, combat contre la corruption et rhétorique nationaliste, Vetëvendosje, qui a doublé son score par rapport à 2014, semble avoir répondu au ras-le-bol d'une partie de l'électorat de ce pays de 1,8 million d'habitants, où le chômage flirte avec les 30%.

Les Serbes du Kosovo, qui ont désigné dix des 120 députés, la plupart appartenant à Srpska Lista, une formation étroitement liée à Belgrade, pourraient avoir leur mot à dire dans la recherche d'une nouvelle majorité.

- "Risque d'instabilité" -

Pour les Serbes, la priorité reste la question de l'organisation des "municipalités" où vit la minorité serbe, forte de 100 à 150.000 personnes, toujours non résolue.

Si l'indépendance du Kosovo est reconnue par plus de 110 pays, ce n'est pas le cas de la Serbie, dont la Constitution affirme sa tutelle sur son ancienne province albanaise.

Le futur gouvernement devra, outre les problèmes économique récurrents et ceux liés à la corruption, gérer la possible inculpation de hauts responsables par les nouvelles cours spéciales chargées des crimes de guerre commis par l'Armée de libération du Kosovo (UCK). Parmi les noms régulièrement cités, figure celui du président Thaçi, aux affaires depuis 2006.

Ces poursuites représentent un "véritable risque d'instabilité", mettait en garde avant le scrutin l'European Centre for minority issues (ECMI).

Ultime guerre ethnique en ex-Yougoslavie, ce conflit entre indépendantistes et forces de Belgrade avait fait 13.000 morts entre 1998 et 1999, dont 10.000 Kosovars albanais.