Crimes de guerre en Irak : pourquoi la CPI fait pression sur Londres

Crimes de guerre en Irak : pourquoi la CPI fait pression sur Londres©ESSAM AL-SUDANI / AFP
Soldats britanniques célébrant Noël en 2008 en Irak
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 La procureure de la Cour pénale internationale a affirmé, dans un rapport d’étape rendu public le 4 décembre, que des crimes de guerre pourraient avoir été commis par les forces britanniques en Irak. Une nouvelle étape destinée à inciter le Royaume uni à poursuivre les auteurs de meurtres et de mauvais traitements allégués.

 Les autorités britanniques forcées de juger les auteurs de crimes de guerre commis en Irak ? C’est en substance l’objet de l’examen préliminaire ouvert en 2014 par la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) sur les mauvais traitements commis par les forces de sa Majesté en Irak entre mars 2003 et juillet 2009. Dans un rapport rendu public le 4 décembre, Fatou Bensouda affirme qu’il existe « une base raisonnable permettant de croire que des membres des forces armées britanniques ont commis des crimes de guerre » au cours de leur intervention en Irak « contre des personnes placées sous leur garde ». La procureure évoque des meurtres, des traitements cruels, des atteintes à la dignité de la personne et des viols.

Un examen préliminaire fragilisé

La procureure avait rouvert en 2014 le dossier Irak, clôs par son prédécesseur en 2006, suite à une plainte déposée par l’European center for constitutionnal and Human Rights (ECCHR) et Public interest lawyers (PIL), deux organisations d’avocats et de défenseurs des droits de l’Homme. A ce jour, les allégations de mauvais traitements proviennent « pour la plupart d’une seule et unique source », précise le bureau du procureur. Une source fragilisée : l’un des avocats de Public Interest Lawyers a été l’objet d’une procédure disciplinaire de son Barreau en 2016. La procureure estime néanmoins que les témoignages versés par l’organisation, une fois corroborés par d’autres pièces – photos, expertises médicales, rapports d’enquête publiques des institutions britanniques, et compte-rendu d’ONG – pourraient « être suffisamment crédibles ». Dans un communiqué, le Secrétaire général d’ECCHR a dénoncé le gouvernement britannique, assurant qu’il « s’est donné beaucoup de mal pour faire cesser les enquêtes sur des allégations graves de crimes de guerre en Irak ». Pour Wolfgang Kaleck, « le Royaume uni a fait tout son possible pour enterrer et saper les graves allégations, en ignorant les preuves découvertes par ses propres enquêtes nationales ». En 2010, le gouvernement britannique avait notamment mis sur pied une équipe pour enquêter sur 3400 allégations de meurtres et de mauvais traitements. L’Iraq Historic Allegations Team (IHAT) a néanmoins fermé fin juin 2017. Les plaintes analysées par l’IHAT ont pour la plupart étaient rejetées. Une vingtaine d’affaires ont été transférées à la police militaire. Traitées unes à unes, elles ne permettent pas de dégager d’éléments permettant de déterminer si les crimes relèvent d’une politique de l’Etat britannique, comme l’affirment l’ECCHR et PIL. Un point sur lequel la procureure ne se prononce pas.

Plus hauts responsables

Si la Cour conduit sa stratégie jusqu’à son terme, les juridictions britanniques ne pourront pas s’en sortir par quelques affaires symboliques, visant de simples soldats, comme c’est le cas aujourd’hui. L’ECCHR et PIL ont à plusieurs reprises demandé à la CPI d’examiner les actes des responsables militaires et politiques, dont l’ancien Secrétaire à la Défense, Geoff Hoon et l’ancien ministre chargé des forces armées, Adam Ingram. En juillet 2016, la commission Chilcot, chargée d’enquêter sur l’intervention britannique en Irak, avait conclu que toutes les options diplomatiques pour éviter la guerre n’avaient pas été épuisées et estimé que l’ancien Premier ministre Tony Blair avait délibérément exagéré la menace posée par Saddam Hussein, entrainant son pays dans la guerre aux côtés des Américains. Mais ces éléments ne sont néanmoins pas abordés par la procureure. Fatou Bensouda se contente de signifier avoir atteint un nouveau stade d’examen, et se pencher désormais sur les procédures engagées par les autorités britanniques. Mais ce rapport d’étape de la CPI ne fournit aucun élément précis sur les faits, le contexte politique, et la chaine de commandement.