OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : que cache le débat sur le crime d'agression à la CPI

La semaine de la justice transitionnelle : que cache le débat sur le crime d'agression à la CPI©ICC/CPI
Assemblée des Etats parties à la CPI
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La semaine de la justice transitionnelle a été dominée par la réunion des 123 pays parties de la Cour pénale internationale aux Nations unies à New York. Au menu, la catégorie juridique du "crime d'agression" à ajouter aux trois chefs d'inculpation déjà en vigueur à la CPI, à savoir, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

Le débat n’est pas seulement académique ou juridique.

Le "crime d'agression", autrement dit l'agression d'un pays contre un autre pays divise les pays membres et les Etats non membres de la CPI car il pourrait signifier l’inculpation de dirigeants d’Etats, comme la Russie avec la guerre de Géorgie et l’annexion de la Crimée, des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne à la suite de l’intervention en Libye. Les interventions de l’Ouganda ou du Rwanda en République Démocratique du Congo sont aussi susceptibles de procédures tout comme les multiples ingérences durant la guerre de Syrie ou les actions de l’Iran et de l’Arabie saoudite au Yémen actuellement.

C’est cette même semaine que la procureure de la CPI a annoncé que des crimes de guerre pourraient avoir été commis par les forces britanniques en Irak. Une nouvelle étape destinée à inciter le Royaume uni à poursuivre les auteurs de meurtres et de mauvais traitements allégués. La correspondante de JusticeInfo.net près de la CPI écrit : « 

Les autorités britanniques forcées de juger les auteurs de crimes de guerre commis en Irak ? C’est en substance l’objet de l’examen préliminaire ouvert en 2014 par la procureure sur les mauvais traitements commis par les forces de sa Majesté en Irak entre mars 2003 et juillet 2009. La procureure évoque des meurtres, des traitements cruels, des atteintes à la dignité de la personne et des viols ». Ce rapport ne signifie pas pour autant que la CPI soit prête à ouvrir un procès. La procureure entend avant tout faire pression pour que la justice britannique ne se contente pas de quelques affaires symboliques et s’attaque aux vrais responsables et mette en cause la chaine de commandement des forces britanniques en Irak, premier ministre de l’époque, Tony Blair, inclus. Mais, on n’en est pas encore là.

Au Yémen aussi les interventions étrangères obèrent l’aide humanitaire et empêchent une solution négociée, explique le patron du CICR, dans une interview à JusticeInfo.net. Selon Peter Maurer, «Les déclarations en faveur d’une négociation sont en décalage avec les politiques que déploient les Etats impliqués. Ils disent tous sur la scène internationale vouloir des solutions politiques, mais ils encouragent en même temps les forces sur le terrain à ne pas faire des compromis.»

Urgence extrême au Yemen

Dans ce pays, depuis des mois, les organisations humanitaires alertent sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis. Comme le blocus du pays par l’Arabie saoudite qui provoque une famine de la population civile. « Nous sommes donc dans une situation d’urgence extrêmement aigue au Yémen. La situation se dégrade plus vite que notre capacité à répondre aux besoins de base de la population», s’inquiète Peter Maurer.

Quant à la Croatie, une semaine après le suicide spectaculaire en pleine audience du Tribunal International pour la Yougoslavie (TPIR) du criminel de guerre croate Slobodan Praljak, elle n’en finit pas d’entretenir le déni. La Télévision nationale croate a ainsi rendu vendredi à une heure de grande écoute hommage à l’ancien chef militaire, toujours considéré comme un héros national. La présidente croate Kolinda Grabar-Kitarovic a quand même exhorté les Croates à "avoir la force de reconnaître que certains compatriotes en Bosnie avaient commis des crimes et devaient en être tenus pour responsables". Mais, a-t-elle ajouté “ qu’en tant qu'Etat, la Croatie n'était pas un agresseur"