OPINION

La semaine de la justice transitionnelle : une question de moyens ?

La semaine de la justice transitionnelle : une question de moyens ?©EU/ECHO/Thomas Conan
Réfugiés du Burundi au Rwanda
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Dans une récente analyse critique de la justice transitionnelle, Impunity Watch une ONG basée aux Pays-Bas luttant contre l’impunité écrit «  en dépit de la popularité de la justice transitionnelle, beaucoup de questions se posent sur sa légitimité et son efficacité. Confrontant ce paradoxe, cet article cherche à comprendre comment la justice transitionnelle peut regarder en arrière et aller de l’avant ». Un des slogans préférés des praticiens de la justice transitionnelle, domaine encore en devenir et toujours débattu. Encore faut-il que la justice transitionnelle ait les moyens et instruments adéquats.

Ainsi, cette semaine, s’est tenu une réunion à la Haye du « réseau génocide » , rassemblant les cellules crimes de guerre européennes, pour mieux poursuivre leurs auteurs présumés. « Il n’y a pas de convention d’extradition pour les criminels de guerre, il n’y a pas d’outils juridiques », explique Gérard Dive, le chef de la Task Force belge sur la justice internationale. « Si vous êtes complice d’un petit trafic d’argent, tous les instruments modernes sont en place, mais si vous êtes l’acteur clé d’un génocide, il n’y a rien. ». C’est pourquoi plusieurs pays dont les Pays-Bas, la Belgique, l’Argentine et la Slovénie plaident pour un traité d’extradition des auteurs présumés de crimes de guerre. Un traité qui serait d’autant plus d’actualité en Europe qui aurait accueilli parmi les réfugiés syriens un certain nombre de criminels de guerre présumés du régime.

Autre question débattue l’efficacité des systèmes juridiques dans les pays en transition. Ainsi, la Tunisie qui se veut exemplaire est confrontée à de graves manquements. Ainsi, dans une interview à JusticeInfo.net, le patron de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Karim Lahidji, estime que « la justice n’est pas indépendante en Tunisie ». Lahidji dénonce ainsi la torture dans les commissariats, les intimidations des avocats, les lois et pratiques discriminatoires dont sont notamment victimes les femmes.

Autre limite de la justice transitionnelle, son usage et sa manipulation par les pouvoirs, comme on l’a vu avec le Burundi où une réunion à Arusha censée être de réconciliation n’avait pas invité l’opposition. Dans une interview à JusticeInfo.net l’ancien président burundais et artisan des accords d’Arusha qui avaient organisé la transition en 2000, Domitien Ndayizeye, dénonce cette situation : « Je suis frustré (…) parce  qu'à l'issue de la signature des accords d'Arusha, j'espérais que nous avions enterré pour de bon (…) cette volonté de nous exclure mutuellement. Malheureusement, le pouvoir aujourd'hui en place (…) a cultivé l'esprit d'exclusion (...) Cela a été un grand préjudice à la stabilité du Burundi et nous a conduits dans la situation que nous vivons aujourd'hui au Burundi. »

Preuve enfin que la justice transitionnelle est aussi un combat, la bataille mémorielle entre Palestine et Israël décrite par Pierre Hazan, , de retour d’un déplacement dans la région. Pierre Hazan, conseiller éditorial de JusticeInfo.net, explique : « Sans processus de paix, la bataille mémorielle ne peut que s’intensifier. Pour les autorités israéliennes comme palestiniennes, la légitimité de leur cause se trouve encore et toujours dans une rhétorique victimaire. L’année prochaine marquera un demi-siècle d’occupation de la Cisjordanie et de Gaza et gageons que la guerre des récits s’aiguisera encore. »

Faute de processus de paix et de justice dans cette région du monde.