Mali : l'accord de paix mis à l'épreuve

Mali : l'accord de paix mis à l'épreuve©Magharebia/Flickr
Rebelles touaregs
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Deux mois après sa signature en grande pompe, l'accord de paix sur le nord du Mali est mis à rude épreuve. Un protagoniste incontournable, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), une coalition de rebelles touaregs et arabes, vient de se retirer du comité de suivi de l'accord. La CMA a annoncé sa décision lors d'une rencontre dimanche à Bamako avec les représentants de la médiation internationale conduite par l'Algérie. Même si ces rebelles touaregs et arabes ne parlent que d'une suspension, leur décision fait craindre un nouvel embrasement du nord malien. La CMA proteste ainsi contre son refoulement de la ville d'Anefis lors des derniers affrontements avec des milices de la Plateforme, un terme désignant, dans ce contexte malien, des groupes armés favorables au gouvernement de Bamako.
Ces combats meurtriers, dont le bilan exact reste encore difficile à établir, ont duré trois jours. C'est le lundi 17 août qu'ils ont gagné la localité d'Anefis, à une centaine de kilomètres de Kidal où siège la CMA.
Dans un communiqué publié le même jour, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a « condamné dans les termes les plus fermes ces actes, commis en violation flagrante des accords de cessez-le-feu et de l'Accord de paix et de réconciliation nationale pour le Mali ». La Mission a exhorté « les parties actuellement engagées sur le terrain à immédiatement cesser les combats » et à retourner aux positions qu'elles occupaient avant le 15 août.
Pour parer à toute éventualité d'une extension des combats pouvant affecter la population de Kidal, la Mission de l'ONU a annoncé une zone de sécurité de 20 km autour de cette ville. La mesure devait entrer en vigueur dès le lendemain. Tout en annonçant des enquêtes pour déterminer les responsabilités quant à cette violation du cessez-le-feu, elle a adressé une mise en garde à la Plateforme. «En cas de violation de cette zone de sécurité par des éléments de la Plateforme, ou affiliés à la Plateforme, la MINUSMA agira en conséquence conformément à son mandat », indique le texte.

« Pas question de céder une quelconque position à la CMA »

Pour la Coordination des mouvements de l'Azawad, cela ne suffit pas. « On exige le retrait des milices de toutes les positions occupées, en flagrante violation des arrangements sécuritaires et des accords de paix », a déclaré à Sahelien.com le porte-parole de CMA, Almou Ag Mohamed. Interrogé par la suite par Studio Tamani, il a ajouté : « Pour le moment, tant qu'il y a pas un règlement correct, juste et équitable par les garants de l'accord et la médiation, de la situation qui prévaut sur le terrain, nous ne pouvons pas envisager de continuer à faire comme si de rien n'était ».
Que va faire la CMA si la Plateforme ne se retire pas de ses nouvelles positions ? Cette fois-ci, c'est le chef des opérations militaires du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), Cheik Ag Awssa, qui répond dans un entretien avec Sahelien.com, l'un des principaux sites d'actualité sur le Sahel. « La CMA attend de voir ce que les garants de l'accord vont faire, et c'est après eux que nous allons décider de la suite ».
Des déclarations qui ne semblent pas impressionner la Plateforme. « Nous ne sommes pas contre ce qui peut nous faire avancer, mais il n'est pas question de céder une quelconque position à la CMA », a déclaré à Sahelien.com, Fahad Ag Almahmoud, secrétaire général du Groupe d'autodéfense touareg Imghad et alliés (GATIA), membre de la Plateforme.
Et l'armée dans tout cela ? Est-elle, comme le soutiennent certains, présente dans les localités nouvellement conquises par les mouvements de la Plateforme ?  « L'armée malienne n'est pas à Anéfis. Les gens confondent toujours l'armée et les différents mouvements. L'armée n'est mêlée ni de près, ni de loin à ça », a affirmé le chargé de communication du ministère de la Défense, contacté par Sahelien.com.
Fruit de longs mois de laborieuses négociations conduites par l'Algérie, « l'accord de paix et de réconciliation » a été signé le 15 mai par le gouvernement malien, puis par la CMA le 20 juin. Il vise à l'établissement d'une paix durable dans le nord du Mali, une région qui a connu plusieurs rébellions touaregs depuis l'indépendance, de la France, en 1960. Les rebelles touaregs ont pu y bénéficier, un temps, d'une alliance avec les islamistes qui les ont finalement évincés pour s'ériger en maîtres de la de la région. Début 2013, les jihadistes ont été affaiblis et dispersés par une intervention militaire internationale mais certaines zones du territoire malien échappent encore au contrôle de Bamako.