Centrafrique : des Casques bleus accusés de pornographie

Centrafrique : des Casques bleus accusés de pornographie©UN Photo/Nektarios Markogiannis
Opération de police de la Minusca à Bangui
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Des allégations non encore vérifiées mais  troublantes, selon les propres termes de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA). Rumeurs d'autant plus préoccupantes que cette mission de l'ONU a été déjà éclaboussée par des accusations de viols et d'abus sexuels qui ont provoqué la démission de son patron, le sénégalais Babacar Gaye.
A en croire les habitants de Batangafo, dans le centre-ouest de la Centrafrique, des images de Casques bleus camerounais en pleins ébats sexuels avec des femmes de l'endroit, circulent depuis quelques jours sur les téléphones portables. Un film pornographique, résument les résidents locaux.  « La ville de Batangafo est en ébullition ces derniers jours. Des extraits de ce film pornographique tourné par des soldats camerounais de la Minusca circulent un peu partout dans la ville. Les visages de certaines filles de la localité sont mêmes identifiés…», témoigne Crépin Ngaïkouma, un jeune habitant de la ville.
L'affaire fait un véritable buzz dans cette sous-préfecture de l'Ouham. « Sur les téléphones portables des particuliers, on peut facilement voir les ébats sexuels de ces Casques bleus camerounais avec des filles de Batangafo, dont certaines sont des femmes au foyer », précise le jeune homme joint par Radio Ndeke Luka.
Ces allégations ont commencé à circuler après la relève du premier contingent camerounais désigné comme le responsable de ces images pornographiques. Quelles sont les motivations de tels actes ? Pas de réponse pour l'instant. Mais certains ménages centrafricains en vivent déjà les conséquences, dont des divorces.  « Certains hommes dont les femmes sont suspectées d'être les "actrices principales" de ces scènes de pornographie sont devenus la risée de toute la localité », explique Crépin Ngaïkoma, qui souligne que deux femmes montrées du doigt ont dû quitter Batangafo.
Bien au fait de ces allégations, l'administration sous-préfectorale y va avec prudence. « L'affaire a été portée à notre connaissance. Nous sommes en train d'auditionner les actrices suspectées, pour vérifier si c'est réellement elles qui apparaissent dans les séquences fragmentées de ce film pornographique en circulation en ce moment », a indiqué à Radio Ndeke Luka le sous-préfet Donatien Aimé Déo-Bafounga.

 
Tolérance zéro

 
De son côté, la MINUSCA parle de rumeurs. Mais, déjà échaudée par de précédentes accusations de viols et abus sexuels, elle ne veut rien prendre à la légère. La Mission « est choquée par des rumeurs sur la mise en circulation d'un film pornographique dans la ville de Batangafo, qui impliquerait des Casques bleus.  La MINUSCA a immédiatement entrepris de faire toute la lumière sur ces allégations troublantes », indique-t-elle dans un communiqué daté du 17 septembre.
 « Aucune des autorités locales rencontrées, ou un résident de Batangafo et de ses environs n'ont été en mesure de fournir une preuve de l'existence d'un tel film impliquant le personnel des Nations unies », poursuit le texte qui précise que la Mission onusienne a déjà interrogé, à ce sujet, le maire et le sous-préfet de la localité.
« Cependant, la Mission ne ménagera aucun effort pour établir la vérité sur ces allégations et invite toute personne étant en possession de preuves de les soumettre à son attention », ajoute le communiqué.

Démission

Ces allégations circulent moins de deux mois après la démission du représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour la Centrafrique, le général sénégalais Babacar Gaye, qui avait dû quitter son poste suite à des accusations de viols et d'exploitation sexuelle contre des soldats de la paix.
Son successeur, le Gabonais Onanga-Anyanga a promis, dès sa prise de fonction, de sévir contre ces pratiques. «Les abus sexuels seront intolérables.  Je veillerai à la discipline et à la bonne conduite dans les actions quotidiennes de chacun et de tous. La politique de tolérance zéro en matière d'exploitation et d'abus sexuel doit être la clé de voûte de protection des populations, l'âme de notre mandat. Cette raison d'être doit nous guider dans nos relations avec ceux que nous sommes venus aider », a promis Onanga-Anyanga.
 
Ces accusations de viols avaient créé l'émoi aux Nations unies, notamment au sein du Conseil de sécurité. « L'ONU ne devrait pas laisser les actions de quelques-uns ternir le travail héroïque des dizaines de milliers de soldats de la paix et de personnel des Nations unies », avait souligné le Conseil de sécurité dans une déclaration de presse.
Une commission externe indépendante a déjà été nommée par l'ONU pour examiner les allégations concernant des abus sexuels en République centrafricaine. Les membres du Conseil de sécurité ont déclaré attendre avec impatience que les conclusions de cette commission soient publiées.