Réconciliation au Mali : les femmes s’engagent

Réconciliation au Mali : les femmes s’engagent©Marco Dormino/Minusma
Maliennes à un bureau de vote dans la région de Gao en 2013
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Le Mali vient d’adopter une loi accordant 30% de quotas aux femmes dans les fonctions nominatives et électives. Les Maliennes se disent résolues à mettre à contribution ce nouveau texte de loi pour jouer pleinement leur rôle dans le processus de sortie de la crise que traverse leur pays depuis 2012. Une crise dont elles restent les principales victimes. JusticeInfo.net a interrogé plusieurs Maliennes engagées dans le processus de réconciliation.

 Pour l’ex-parlementaire Dicko Fatoumata Dicko, les femmes ont non seulement « des droits, des besoins spécifiques » à faire valoir mais aussi « des contributions » à apporter « dans le processus de paix et de reconstruction d’un pays ». « Assumant les conséquences d’un conflit, les femmes ne se contentent pas d’essayer de survivre.  Au contraire, elles s’organisent dans leurs communautés, leurs familles, leurs villages, pour maintenir sur pied des services de santé, d’enseignement, des réseaux de solidarité, et cela souvent au-delà de toute frontière ethnique ou culturelle », affirme cette ancienne députée de Douentza, dans la région de Mopti, dans le centre malien.

Cette auditrice financière travaillant actuellement pour la société Energie du Mali (EDM-SA) rappelle que les femmes conservent, dans les moments les plus dramatiques, la charge de préserver l’ordre social et la cohésion de la communauté. « Ses  actions sont aujourd’hui des germes importants pour la paix et la reconstruction de la société  au Mali », assure-telle.

Selon elle, les femmes aident notamment les victimes à dénoncer les violences subies, afin d’évoluer vers une démarche de pardon et de réconciliation. « Car, la justice ne pourra pas juger tous les crimes  et la femme est très prompte à dénoncer l’injustice ».

Elle exhorte ainsi gouvernement et organisations de la société civile à se mettre davantage à l’écoute des femmes. « Dans ce cadre, les femmes sont à même de proposer des stratégies et des solutions concrètes pour régler les conflits, en particulier les conflits intercommunautaires ». Pour cela, elle estime que les femmes doivent siéger « dans toutes les instances de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ».

 

Le rôle de la culture et de la tradition maliennes

 

Abondant dans le même sens, la présidente du Réseau des femmes pour la paix et la sécurité dans l’espace CEDEAO (REPESCO), Maître Diakité Saran Kéita, souligne d’emblée que ce sont les femmes qui ont payé le plus lourd tribut à la crise : viols, enlèvements, tortures et sévices de toutes sortes exercées souvent sur des femmes et des filles, etc. « Il ne fait l’ombre d’aucun doute que c’est nous, les femmes, qui avons été les plus traumatisées par les affrontements et le cortège de misère, d’enfants déscolarisés, de maris déportés et/ou tués. Avec ce drame, nous nous sentons plus que sommées de nous lever afin de contribuer à pacifier les esprits et à  réconcilier les cœurs », affirme-t-elle. Elle précise que son association a entamé depuis longtemps une campagne de sensibilisation pour que les femmes victimes acceptent de pardonner, mais sans les dissuader de saisir les structures telles la Commission Vérité, justice et réconciliation (CVJR) et la justice conventionnelle pour obtenir réparation des torts qui leur ont été causés.

Pour cette avocate, il est impératif que les Maliennes favorisent l’unité à travers leur rôle d’éducatrices. « Elles doivent à travers les causerie-débats, les campagnes médiatiques, mobiliser nos sœurs des villes et campagnes pour attiser la flamme de la paix allumée par la signature de l’Accord issu des négociations d’Alger ».

De son côté, la présidente de la Coordination des organisations féminines (CAFO), Mme Traoré Oumou Touré, insiste sur le rôle de la tradition et la culture maliennes pour faciliter cette implication de la femme dans le processus de réconciliation de la société malienne.

Une société où, comme le rappelle la cheffe de cabinet du ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat, Mme Diallo Salimata Ouattara, « près de 90% des habitants sont des musulmans avec des foyers polygames ». Dans une telle société, pense-t-elle, les femmes peuvent contribuer à ressouder les familles et les communautés.

 

Appel à la solidarité des femmes au-delà de tous les clivages

 

Parmi les femmes appelées à jouer un rôle de premier dans le processus de réconciliation au Mali, figure Nina Oualett Intallou, première vice-présidente de la CVJR. Elle insiste, comme ses semblables, sur le calvaire des femmes pendant le conflit, mais en appelle aussi à la solidarité des femmes au-delà de tous les clivages. « Il appartient donc aux femmes de se donner la main pour peser sur le processus du retour au vivre ensemble et de l’acceptation de l’autre », conseille-t-elle.

Pour cette ex-responsable politique du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le plus grand nombre de réfugiés est constitué de femmes. Il faut donc que les femmes maliennes aillent vers leurs sœurs traumatisées et exilées pour faciliter leur réinsertion socio-économique. « J’en appelle aux organisations de défense des droits humains et aux organisations non gouvernementales de se montrer diligentes pour nous aider à aider à la réconciliation au Mali et surtout à aider à la manifestation de la vérité, à la justice pour un pardon définitif. C’est le prix à payer pour nous réconcilier durablement », conclut-elle.