La deuxième phase du procès d'Hissène Habré s'ouvre lundi à Dakar

La deuxième phase du procès d'Hissène Habré s'ouvre lundi à Dakar©AFP
Hissene Habre arrivant au tribunal
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Le procès de l'ancien président tchadien Hissène Habré, jugé à Dakar par un tribunal spécial africain pour "crimes contre l'humanité et crimes de guerre", entre lundi dans sa deuxième phase avec les plaidoiries des parties civiles et de la défense ainsi que le réquisitoire du Parquet.

Ouvert le 20 juillet 2015, ce procès inédit - le premier au monde dans lequel un ancien chef d'Etat est traduit devant une juridiction d'un autre pays pour violations présumées des droits de l'Homme - se tient devant les Chambres africaines extraordinaires (CAE), tribunal spécial créé par l'Union africaine (UA) en vertu d'un accord avec le Sénégal.

La première phase des audiences a été marquée par la comparution de force de Hissène Habré, qui refuse de s'exprimer devant le tribunal qu'il récuse. Elle a aussi connu un ajournement de 45 jours, jusqu'à septembre, après désignation de trois avocats commis d'office pour défendre M. Habré, qui les récuse également.

Elle a permis l'audition d'une centaine d'experts et témoins dont le dernier, mi-décembre, le seul cité par la défense, s'était retourné contre l'accusé.

"Les audiences reprendront lundi à partir de 09H00 (locales et GMT)" au Palais de justice de Dakar, et doivent durer jusqu'au 12 février, a indiqué à l'AFP Marcel Mendy, porte-parole des CAE.

Les plaidoiries des quinze avocats des parties civiles sont prévues les 8 et 9 février. Le réquisitoire du Parquet général est programmé le 10 février. Il sera suivi les 11 et 12 des plaidoiries des trois avocats de la défense commis d'office. "Après ces plaidoiries, les audiences seront suspendues pour le délibéré" et "on prévoit le prononcé du verdict vers fin mai", a-t-il précisé.

Hissène Habré, 73 ans, a dirigé le Tchad de 1982 jusqu'à son renversement en décembre 1990 par l'actuel président Idriss Deby Itno, son ancien chef de l'armée. Il s'est réfugié peu après sa chute au Sénégal.

Arrêté le 30 juin 2013 à Dakar, inculpé le 2 juillet 2013 par le tribunal spécial puis écroué, il est poursuivi pour "crimes contre l'humanité, crimes de guerre et crimes de torture".

La répression durant sa présidence a fait 40.000 morts, selon les estimations d'une commission d'enquête tchadienne. Il encourt jusqu'aux travaux forcés à perpétuité.

- Des femmes esclaves sexuelles -

En janvier, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon avait cité le procès d'Hissène Habré, avec d'autres procédures en cours devant la Cour pénale internationale (CPI), comme des avancées réalisées en 2015 en matière de "reddition de comptes" permettant à des victimes de voir "que justice leur est rendue".

Ce procès "marque un tournant dans la lutte contre l'impunité des puissants pour les crimes les plus graves", a de son côté estimé Reed Brody, conseiller juridique à l'ONG Human Rights Watch (HRW).

M. Brody a salué dans un communiqué "le courage des survivants, qui ont livré des témoignages bouleversants sur la torture, les viols, l'esclavage sexuel, les massacres et la destruction de villages entiers".

Plusieurs témoins entendus par la cour ont soutenu que Hissène Habré était au courant de tout ce que faisait la police politique, la DDS, et contrôlait tout.

Des femmes ont témoigné avoir servi d'esclaves, y compris sexuelles, durant leur détention dans un cantonnement militaire dans le nord du Tchad. Et l'une d'elles a déclaré avoir été violée par l'accusé.

Les avocats commis d'office pour la défense ont pour leur part fait état de l'absence de preuves attestant, selon l'un d'eux, Me Mbaye Sène, "que le président Habré était un donneur d'ordre d'actes délictuels" ou ayant abouti à "des actes de torture".

Lors d'une conférence de presse jeudi à Dakar, les avocats de M. Habré ont réitéré leurs vives critiques contre les CAE, et le président Deby Itno - accusé d'avoir financé ll e tribunal pour "éliminer" son prédécesseur lors d'un "faux procès" - mais aussi contre leurs confrères commis d'office ayant, selon eux, "mené une défense de connivence".

"On est en présence d'un maquillage grossier. Toute l'instruction était viciée", a notamment déclaré Me François Serres, affirmant que la décision que rendra le tribunal "est déjà nulle avant d'avoir été prononcée".