MTPI: la demande de libération anticipée d'un « camarade » de l'ex-président rwandais rejetée

MTPI: la demande de libération anticipée d'un « camarade » de l'ex-président rwandais rejetée©Nations Unies
Des juges du TPIR posent avec Kofi Annan, alors secrétaire général de l'ONU
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Condamné à 25 ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le colonel Aloys Simba, aujourd'hui âgé de 78 ans, vient de se voir refuser une libération anticipée. L'extrême gravité des faits retenus contre lui et le fait qu'il n'a pas encore purgé les deux-tiers de sa peine ont pesé lourd dans le rejet de la demande de ce « camarade » de l'ex-président Juvénal Habyarimana, actuellement emprisonné au Bénin.
 
 « Les crimes pour lesquels Simba a été condamné sont d'une haute gravité », souligne, dans sa décision datée du 2 février, le juge Theodor Meron, président du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux (MTPI), une institution chargée d'assurer les fonctions résiduelles du TPIR qui a fermé ses portes fin 2015. Seul le président du Mécanisme est statutairement revêtu de la compétence discrétionnaire pour se prononcer sur une remise ou une commutation de peine, même dans le cas où le condamné y est éligible aux termes des lois de l'Etat où il purge sa peine.
Dans l'examen de telles requêtes, le président du Mécanisme prend en compte la gravité des crimes dont le condamné a été reconnu coupable, la jurisprudence du TPIR ou du Tribunal pour l'ex-Yougoslavie dans l'examen de demandes similaires, la possibilité de réinsertion du condamné, son comportement en prison, sa coopération avec le procureur, etc.
Le colonel Aloys Simba, qui avait été arrêté au Sénégal fin novembre 2001, a été reconnu coupable de génocide et extermination le 13 décembre 2005 et condamné à 25 ans d'emprisonnement. Selon ce jugement confirmé par la chambre d'appel le 27 novembre 2007,  l'ancien officier a participé à une entreprise criminelle commune (e.c.c.)  visant à tuer les civils tutsis qui avaient cherché refuge à l'Ecole technique de Murambi et à l'église paroissiale de Kaduha, dans la préfecture natale du colonel, Gikongoro (sud). Selon les juges, Simba, qui était « une figure nationale respectée dans la société rwandaise et bien connue dans sa région natale », « a distribué les moyens ayant servi aux massacres à l'Ecole technique de Murambi », des tueries qui ont fait « des milliers » de morts en une seule journée.
 
 
Chargé de la défense civile
 
 
Le colonel Aloys Simba fait partie de la dizaine d'officiers connus dans l'histoire contemporaine du Rwanda sous le nom de « Camarades du 5 juillet 1973 ». Conduits par le général Juvénal Habyarimana, ces officiers ont joué un rôle dans le coup d'Etat contre le président Grégoire Kayibanda, qui était au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1962. Au lendemain du putsch, ils se retrouvent au sein du « Comité pour la paix et l'unité nationale », socle du Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), le parti- Etat créé deux ans plus tard par le nouveau président Juvénal Habyarimana.
Au lendemain de l'assassinat de ce dernier, dans la soirée du 6 avril 1994, la plupart des « Camarades du 5 juillet », désormais à la retraite, sont rappelés sous les drapeaux par le gouvernement intérimaire, dans le cadre de « la défense civile ». Le colonel Simba est ainsi chargé de la défense civile dans les préfectures de Gikongoro et Butare. De nombreux experts affirment, malgré les dénégations des membres du gouvernement intérimaire, que la défense civile dont les directives furent exposées dans une lettre circulaire de la mi-mai 1994, ne visait en réalité qu'à légitimer et faciliter l'extermination des Tutsis.
Dans sa demande de libération anticipée, qui était appuyée par l'administration de la prison béninoise d'Akpro Missérété, où il purge sa peine depuis juin 2009, l'ancien officier avait notamment mis en avant son âge avancé – 78 ans-, son état de santé et son comportement de prisonnier exemplaire.
Dans sa décision, le juge Meron, tout en prenant soin de ne pas divulguer les problèmes dont souffrirait le colonel Simba, estime que son état de santé actuel n'est pas d'une gravité justifiant sa remise en liberté anticipée, pas plus que son âge. Le magistrat américain indique par ailleurs avoir été guidé, comme dans d'autres récentes décisions, par le souci d'harmonisation avec la pratique au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) où les condamnés peuvent bénéficier de  la libération anticipée lorsqu'ils ont fini de purger les deux-tiers de leur peine. Selon le décompte du juge Meron, le colonel Simba n'aura purgé les deux-tiers de sa peine de 25 ans de prison qu'au 27 juillet 2018.
A ce jour, neuf condamnés du TPIR, dont un lieutenant-colonel et un capitaine, ont bénéficié de la libération anticipée.