RDC : le procès de Terminator devant la Cour Pénale Internationale

RDC : le procès de Terminator devant la Cour Pénale Internationale©ICC/CPI
Bosco Ntaganda devant la CPI en 2013
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La ligne de front sur laquelle Bosco Ntaganda va désormais devoir se battre comprend dix-huit chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis entre le 6 août 2002 et le 27 mai 2003 en Ituri, à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Alors chef d’Etat-major en second des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), le bras armé de l’Union des patriotes congolais (UPC), une milice soutenue par l’Ouganda puis le Rwanda, Bosco Ntaganda est accusé, en qualité de supérieur hiérarchique, d’avoir commis des meurtres, des attaques de civils et de bien protégés – écoles, hôpitaux, Eglises, orphelinats – des violences sexuelles, des pillages et enrôlé dans ses troupes des enfants de moins de quinze ans. « The Terminator », son nom de guerre, aurait aussi tué un prêtre de plusieurs balles dans la tête, et avec ses gardes du corps, séquestré trois religieuses, violées ensuite par ses miliciens dans ses appartements de la mine d’or de Kilo Moto. Le but, assure l’accusation : s’emparer de l’Ituri, dont les sous-sols riches d’or, de diamants, de coltan ont nourri près de vingt années de guerre.

La Cour ou la mort

Le procès qui s’ouvre le 2 septembre ne porte aucun label. Ce ne sera ni « le procès des enfants soldats », comme fut taguée l’affaire Lubanga, le chef de l’UPC condamné à 14 ans de prison par la Cour, ni celui des « violences sexuelles » de Jean-Pierre Bemba. Cette fois, l’accusation semble avoir dépassé les symboles. Mais si la longue litanie de crimes décrite par le procureur fait frémir, elle ne couvre néanmoins que dix mois dans la vie de Bosco Ntaganda. A 41 ans, le milicien né au Rwanda affiche une longue carrière de soldat, débutée dans les rangs du Front patriotique rwandais, qui en 1994 s’est emparé du pouvoir au Rwanda. Il avait ensuite rejoint les miliciens de Laurent-Désiré Kabila pour renverser le Maréchal Mobutu, puis d’autres milices, dont les FPLC dans l’Ituri. Après un passage dans les forces congolaises, sa carrière s’est conclue à la tête du M23, le Mouvement du 23 mars, créé en 2012. Lâché par son parrain rwandais à l’hiver 2013, au profit d’une autre faction du M23, il n’aurait eu d’autre choix que la Cour ou la mort. Après d’intenses combats, il avait rejoint le Rwanda, pour se rendre 24 heures après à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali le 18 mars 2013. Quatre jours plus tard, il était enfermé dans la prison de la Cour à La Haye.

Les responsables rwandais

Mais le procès ne se penchera pas sur les crimes du M23, une milice qui selon des enquêteurs de l’Onu, n’avait d’autre chef que le ministre de la Défense rwandais. Une telle accusation aurait pourtant permis au procureur de s’approcher des plus hauts responsables des crimes commis depuis presque vingt ans dans l’Est congolais, où le Rwanda, l’Ouganda et le Congo se disputent les richesses par milices interposées au prix de plus de 3 millions de morts. Mais tous les procès ouverts à la Cour et couvrant les crimes commis dans l’Est du Congo ont été circonscrits, tant par les juges que par le procureur, à leur seule dimension ethnique. Faute de les cibler, le procureur ou les juges décideront-ils, cette fois, d’appeler à la barre des responsables ougandais et rwandais, qui ont fourni aux FPLC armes, munitions, uniformes et entraînements ? La suite le dira. Pour l’instant, la liste des témoins du procureur est confidentielle, mais il a déjà annoncé l’audition de nombreux experts, de membres de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Congo (Monusco) et d’insiders, des ex alliés de l’accusé. Depuis un an, Bosco Ntaganda est soupçonné d’avoir tenté d’interférer, depuis sa cellule, dans l’enquête du procureur. Ses conversations téléphoniques - systématiquement enregistrées - ont été passées au crible. S’exprimant parfois en Kihema, une langue que ne parlent pas ses geôliers, ou en langage codé, il aurait évoqué deux témoins protégés avec son interlocuteur, proposé de « faire taire » l’un d’entre eux, et affirmé que si ces témoins se désistaient, le procès « s’effondrera ».