Jean-Pierre Bemba, de la rébellion à la CPI en passant par la vice-présidence congolaise

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L'ancien rebelle Jean-Pierre Bemba, condamné mardi à 18 ans de prison par la Cour pénale internationale (CPI), laisse en République démocratique du Congo le souvenir d'un chef autoritaire qui reste encore populaire à Kinshasa, neuf ans après son départ en exil.

La CPI, qui siège à La Haye, avait jugé en mars que M. Bemba, 53 ans, était responsable des atrocités - viols et violences sexuelles - commises par ses hommes en Centrafrique en 2002 et 2003. Elle a fixé sa peine mardi à 18 ans de prison, pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

A l'époque, la rébellion qu'il dirigeait, le Mouvement de libération du Congo (MLC), appuyait le président centrafricain Ange-Félix Patassé, pour écraser une tentative de coup d'État du général François Bozizé qui finira par s'emparer du pouvoir en 2003.

Né le 4 novembre 1962 à Bogada, dans la région forestière de l'Équateur (frontalière de la Centrafrique), Jean-Pierre Bemba est le fils d'un riche homme d'affaires proche de l'ancien dictateur Mobutu Sese Seko.

Il dirige les entreprises familiales puis se lance à son compte dans la téléphonie mobile, le fret aérien, crée deux chaînes de télévision, évoluant sous les ailes protectrices du défunt maréchal du Zaïre.

De cette époque, un de ses anciens proches garde de lui l'image d'un homme "accroché à une calculette", peu prompt à s'acquitter de l'impôt mais intraitable avec ses débiteurs. "Le social n'était pas son point fort", ajoute cet ex-cadre du groupe familial, il était "trop impulsif, trop autoritaire comme patron".

Ces traits de caractère, le député Delly Sesanga, qui fut son directeur de cabinet à la vice-présidence (2003-2006) pendant la transition politique en RDC, le confirme.

Le "Chairman", comme on le surnomme encore au sein de son parti était "réactif", dit-il, au point d'agir parfois dans "une sorte de précipitation qui peut conduire à des erreurs". Mais il était un "chef intelligent doté d'un sens pratique aigu" et "sûr de lui", doué d'"autorité" pour les "décisions importantes".

- 'Mobutu miniature' -

L'aventure militaire de M. Bemba commence en 1998. Surnommé le "Mobutu miniature", il a quitté brusquement la capitale l'année précédente après la prise du pouvoir par le chef rebelle Laurent-Désiré Kabila (père de l'actuel président congolais Joseph Kabila) et l'emprisonnement de son père, Jeannot Bemba.

Soutenu par l'Ouganda, il crée et dirige le MLC. Ce mouvement rebelle règnera en maître dans la région de l'Équateur et une partie du nord-est du pays. Comme tous les belligérants ayant pris part à la deuxième guerre du Congo (1998-2003), le MLC est accusé par les Nations unies d'avoir commis des atrocités à grande échelle dans les zones qu'il contrôlait.

Réputé audacieux, M. Bemba, colosse d'1,90 m au visage rond, obtient à la fin de la guerre un des quatre postes de vice-président dans le cadre d'une transition politique dirigée par Joseph Kabila, qui a accédé à la tête de l'État à la mort de son père en 2001.

Battu par M. Kabila à la présidentielle de 2006 après un entre-deux-tours émaillé de violences, il est élu sénateur. Il refuse alors d'abandonner la protection de sa garde rapprochée (privilège que lui valait ses fonctions de vice-président) en disant craindre pour sa sécurité. L'affrontement avec le pouvoir est inévitable. Bemba en sort perdant. Il quitte Kinshasa sous escorte blindée des Casques bleus une nuit d'avril 2007, après de violents combats entre l'armée congolaise et sa milice ayant fait au moins 300 morts en plein coeur de Kinshasa selon l'ONU.

L'enfant chéri de Kinshasa, où il avait obtenu 70% des suffrages contre M. Kabila à la présidentielle, est arrêté à Bruxelles en mai 2008, en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI. Depuis, le MLC (devenu un parti politique) s'est vidé d'une vingtaine de ses dirigeants, mais reste la deuxième force d'opposition à l'Assemblée nationale.