Habré : un verdict qui est « une reconnaissance de la ténacité » des victimes

Habré : un verdict qui est « une reconnaissance de la ténacité » des victimes©Photo Chambres africaines extraordinaires (CAE)
Hissène Habré à l'audience: les rares fois où il a été vu à l'audience, il avait été amené de force sur décision des juges
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Assassin en chef mais pas violeur. L’arrêt définitif dans le procès d’Hissène Habré a été prononcé jeudi 27 avril par la chambre d’appel du tribunal spécial africain chargé de juger les principaux responsables des crimes graves commis sur le territoire tchadien entre juin 1982 et décembre 1990.

Les juges d’appel ont confirmé les condamnations pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité et crimes de torture mais ont acquitté Habré du crime de viol. Un acquittement partiel qui n’allège cependant pas la peine de prison à perpétuité prononcée en première instance. Pour ceux qui ont eu à suivre ce long feuilleton judiciaire, ce dénouement constitue « une reconnaissance de la ténacité » des victimes. Philip Grant, directeur de l’ONG suisse TRIAL International, est l’un d’entre eux.

 

 

Phil Grant Trial

JusticeInfo : Quelle est la signification de cet arrêt définitif pour les victimes ?

Philip Grant: L’affaire Habré n’aurait jamais pu être menée à terme sans la participation active des victimes, à tous les stades de la procédure. Le verdict est la validation de cet énorme travail effectué - non sans risque d’ailleurs - et la reconnaissance de leur ténacité. Il est assez fou de ce placer trente ans en arrière et d’imaginer que les personnes qui croupissaient en prison et étaient victimes de torture ou d’autres actes infâmes allaient faire tomber l’ancien dictateur.

JusticeInfo: Quelles sont les leçons de ce procès pour l’Afrique et le monde?

P.G: La procédure a permis de montrer à quel point ces crimes dits internationaux peuvent être combattus si la communauté internationale s’y met. Il faut souligner le rôle joué par l’Afrique elle-même, mais aussi par d’autres personnes, organisations non- gouvernementales et Etats hors d’Afrique. C’est, en tout cas, un signal très fort donné à d’autres potentats - on peut penser par exemple aujourd’hui à l’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh - que justice peut être rendue même à l’encontre d’anciens chefs d'Etat.

JusticeInfo: Et pour la justice internationale en construction?

P.G: L’affaire Habré a été lancée sur le fondement juridique de la «compétence universelle», le même qui a déjà permis de juger des dizaines de tortionnaires, criminels de guerre ou génocidaires dans des pays autres que les pays où les crimes ont été commis. La signification profonde du verdict de ce jour est que la compétence universelle permet aussi de faire juger et condamner des chefs d’Etat. Il y avait eu une première tentative - non aboutie - d’amener l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet en justice à la fin des années 1990. L’affaire Habré valide définitivement le fait que la compétence universelle peut s’avérer un instrument efficace dans la lutte contre l’impunité.

JusticeInfo: N'y a-t-il pas un goût d'inachevé étant donné que les Chambres africaines extraordinaires (CAE) n’ont pas été créées pour juger Habré uniquement?

P.G: Quasi par définition, la justice internationale laisse toujours un goût d’inachevé, tant les crimes sont monstrueux, massifs et les participants à ces crimes nombreux et impunis. Mais ne boudons pas notre plaisir aujourd’hui. C’est en construisant patiemment un système international qui saura apporter des réponses concrètes à des crimes tels que ceux commis au Tchad que l’on pourra, demain, juger les Déby (ndlr: Idriss Déby, l’actuel president du Tchad), les Bush, les Jammeh du futur.