Le général Karenzi Karake attend la décision de la justice britannique jeudi

Le général Karenzi Karake attend la décision de la justice britannique jeudi©Kwibuka Rwanda/Flickr
La ministre rwandaise Louise Mushikiwabo
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L’organisation de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch (HRW) a demandé à la justice espagnole de garantir un procès équitable au chef des renseignements du Rwanda, le général Emmanuel Karenzi arrêté samedi dernier à Londres.

Les autorités judiciaires espagnoles ont lancé mardi la procédure de demande de transfert du suspect.  Le parquet de l'Audience nationale espagnole, en charge notamment des affaires de terrorisme, a demandé à un tribunal de cette même juridiction de solliciter des autorités britanniques la remise à l'Espagne du militaire rwandais.

Le général a comparu devant un tribunal londonien dès samedi après-midi et a été placé en détention provisoire jusqu'à jeudi.

« Si Karenzi Karake est extradé vers l’Espagne, où un tribunal l’a inculpé ainsi que 39 autres officiers supérieurs rwandais pour crimes graves commis en violation du droit international, les autorités espagnoles devraient s’assurer que la procédure est respectée et qu’il bénéficie d’un procès équitable », écrit HRW dans un communiqué en anglais.

« Il y  a eu des progrès significatifs en ce qui concerne la justice aux victimes du génocide au Rwanda. Mais des milliers de victimes et leurs proches attendent encore que justice soient rendue pour les crimes commis par les membres du Front patriotique rwandais depuis 1994 », souligne, dans le communiqué, Daniel Bekele, directeur Afrique à Human Rights Watch.

Les auteurs du génocide des Tutsi ont été jugés notamment par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) basé à Arusha, en Tanzanie, et qui doit fermer ses portes à la fin de l’année.

 L'arrestation de Karenzi Karake a été réalisée « en vertu d'un mandat d'arrêt européen émis par les autorités en Espagne, où il est recherché dans le cadre de crimes de guerre contre des civils », a indiqué à l’AFP  un porte-parole de Scotland Yard.
 Une source judiciaire espagnole à Madrid a toutefois précisé que le général Karenzi Karake, alias KK, n'était plus poursuivi pour crimes de guerre - chefs d'inculpation classés fin 2014 - mais qu'il doit répondre de « crimes de terrorisme ». 

 

 Crimes classés

 Karenzi Karake est considéré comme l'un des acteurs de premier plan de l'ancienne rébellion à dominante tutsi du Front patriotique rwandais (FPR, aujourd'hui au pouvoir) de Paul Kagame.

 Il fut aussi en 2008-2009 le numéro deux de la Minuad, la mission de paix ONU-Union africaine déployée au Darfour, dans l'ouest du Soudan.
  Son arrestation a été qualifiée d’ « inacceptable » par la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.
 La justice espagnole enquête depuis 2008 sur la disparition ou la mort de neuf Espagnols au Rwanda, et notamment sur le décès en janvier 1997 de trois travailleurs humanitaires de Médecins du Monde.
 Elle avait émis un acte d'accusation visant 40 responsables rwandais dont Emmanuel Karenzi Karake, pour des faits de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité et terrorisme en lien avec le conflit rwandais.
 Selon ce texte, le général Karake aurait « eu connaissance et approuvé le massacre de civils entre 1994 et 1997 dans les villes de Ruhengeri, Gisenyi et Cyangugu, y compris la mort de trois travailleurs humanitaires espagnols ».
En octobre 2014, le juge en charge de l'affaire, Fernando Andreu, avait notifié la fin de son instruction.
 Dans l'intervalle, les volets ayant trait au génocide, aux crimes contre l'humanité et aux crimes de guerre ont été classés, en application d'une nouvelle législation restreignant la portée de la loi sur la justice universelle en vigueur en Espagne.
Seul le volet de l'enquête pour des crimes de terrorisme concernant la mort ou la disparition des neuf Espagnols est resté valide.

 Le FPR est accusé de crimes contre des civils au Rwanda durant et après son offensive victorieuse sur Kigali, ainsi que, des années plus tard, dans des camps de réfugiés rwandais de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), que Kigali accusait d'héberger des « génocidaires ».
 Pour le Rwanda, ces accusations s'inscrivent dans la thèse révisionniste d'un « double génocide » qui accréditerait l'idée d'un génocide commis par le FPR contre les Hutu, afin de minimiser le génocide des Tutsi.