Un militaire argentin actif du temps de la junte et soupçonné de meurtres et tortures remontant aux années 70, est décédé à Berlin, alors que les poursuites judiciaires à son encontre s'intensifiaient, a annoncé la justice allemande.
"La mort de l'accusé met brutalement un terme aux efforts déployés depuis des décennies par les familles et les autorités en Argentine et en Allemagne afin d'élucider les atrocités commises sur la base navale de Mar del Plata", a déploré la procureure générale de Berlin, Margarete Koppers, citée dans un communiqué.
Le parquet a appris mercredi qu'il était décédé à l'âge de 75 ans de "mort naturelle" le 11 octobre. Il avait émigré en Allemagne en 2013, pour échapper aux poursuites dans son pays selon les défenseurs des droits de l'Homme, et disposait aussi de la nationalité allemande.
La mort de l'accusé est "difficile à supporter et très douloureuse pour les familles des victimes", a ajouté la procureure.
Interrogé par l'AFP, une porte-parole du parquet n'a pas voulu donner son identité, mais selon le Centre européen pour la Constitution et les Droits humains, qui a aidé les proches à porter plainte à Berlin, il s'agit de Luis Kyburg.
Cet homme est soupçonné, en tant qu'officier de marine et commandant en second d'une unité de "plongeurs tactiques" sur cette base militaire, d'avoir entre août 1976 et janvier 1977 été responsable "de l'enlèvement, la déportation, la torture et l'assassinat de 23 jeunes gens".
Le parquet allemand venait de publier, quelques jours avant l'annonce du décès, un acte d'accusation de 220 pages contre l'ancien officier détaillant les charges concernant les 23 assassinats.
Les victimes sont de jeunes hommes et femmes qui avaient adhéré à des groupes d'extrême-gauche, opposés à la dictature militaire.
Selon la justice allemande, elles ont été emmenées de force dans la base navale où elles ont été, sous la supervision et avec l'aide de l'accusé, maltraités, avant d'être abattus dans le dos, ou bien drogués puis jetés à la mer lors de "vols de la mort" alors qu'on leur avait fait croire qu'elles étaient transférés dans d'autres lieux.
Les corps n'ont jamais été retrouvés.
Les enquêteurs avaient perquisitionné le domicile berlinois de l'ancien officier fin janvier et découvert de nouveaux éléments à charge, notamment des supports numériques confortant ceux rassemblés au fil des années.
"Il est avéré que l'unité de Kyburg a été impliquée dans des crimes contre l'humanité. Son supérieur hiérarchique et au moins 48 autres militaires ont été déjà condamnés en Argentine. Il est d'autant plus regrettable que les victimes et leurs familles n'obtiennent pas justice" dans ce cas-là, a commenté l'ECCHR.
Quatre juntes militaires se sont succédé en Argentine entre 1976 et 1983. Le régime fut responsable de la mort ou de la disparition de 30.000 personnes, selon les organisations de défense des droits humains, et de l'exil de millions d'Argentins.

