L'accusé relate ensuite son parcours social, académique et professionnel, depuis sa naissance le 12 décembre 1939 dans la commune Tare, près de l'église paroissiale de Rulindo, à une quarantaine de kilomètres au nord de la capitale, Kigali. « Mon père a été l'un des premiers à se présenter devant les missionnaires (catholiques) dès leur arrivée. Baptisé, il devint par la suite enseignant », a raconté Ngirumpatse, soulignant que ses parents « avaient un statut élevé dans la société de l'époque ».
Pour bien élever leurs 15 enfants, Anastase Murambya et son épouse leur inculquèrent les valeurs traditionnelles rwandaises et le message d'amour de Jésus Christ. En tant que bons Rwandais, « nos parents nous ont appris à être courageux, droits, honnêtes et intègres », a affirmé Ngirumpatse. « Sur le plan des valeurs religieuses, ils nous ont appris à aimer les autres, les aider, leur rendre service sans attendre qu'ils le demandent », a-t-il poursuivi. En prime, le père, excellent joueur de l'inanga, la cithare traditionnelle rwandaise, a transmis son art à sa nombreuse progéniture. « Nous sommes pratiquement une famille de musiciens », a dit l'accusé, auteur compositeur et poète bien connu dans son pays.
Après l'école primaire, le futur homme politique entre au Petit Séminaire de Kabgayi, dans le centre du pays, puis au Collège Saint-Paul à Bukavu (Congo belge). Inscrit à l'Université de Bujumbura, au Burundi, en 1960, il est obligé de rentrer précipitamment dans son pays « suite à la détérioration de la situation dans la région des Grands lacs ».
A partir de 1962, il travaille au Parquet général comme substitut du procureur. En novembre 1973, le nouveau chef de l'Etat Juvénal Habyarimana, qu'il a connu sur les bancs de l'école, le nomme ambassadeur du Rwanda à Addis-Abeba, en Ethiopie. Cinq ans plus tard, il est nommé en Allemagne. « N'avez-vous pas le sentiment d'avoir été favorisé ? », demande Me Hounkpatin.
« Je n'ai jamais sollicité de poste dans ma vie professionnelle. J'étais même souvent surpris » par les nominations, répond l'accusé-témoin.
En 1982, pour achever sa formation de juriste interrompue en 1960, il s'inscrit à l'Université de Strasbourg, en France, dont il sort avec un doctorat en 1985.
Rentré dans son pays, il sera tour à tour , conseiller diplomatique du président Habyarimana, directeur général de la Société nationale d'assurances du Rwanda (SONARWA) et ministre de la Justice. Il affirme n'avoir jamais pratiqué de discrimination ethnique ni recherché à amasser des biens durant toutes ces années de responsabilité. « Ce qui comptait pour moi, c'est la compétence et non l'ethnie (...) Je n'ai jamais attaché beaucoup d'importance à l'argent », explique-t-il.
Au déclenchement du génocide, le fils de Murambya est président du MRND et avocat. Parallèlement, il anime plusieurs associations, dont la chorale de Kigali, dont il est le principal organiste et pour laquelle il compose de la musique liturgique. La plupart de ses associations « ouvertes à toutes les ethnies, sans discrimination », fonctionnent encore aujourd'hui au Rwanda, « avec d'autres hommes », se félicite-t-il.
Le musicien, poète, avocat et homme politique, devrait, après ce préambule, aborder dans le courant de la semaine, le fond des allégations portées contre lui.
ER/GF
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