La cour d'assises de Paris s'est penchée mercredi sur le recrutement de mineurs pour les former à l'action armée en Syrie, au coeur des accusations de complicité de crimes de guerre visant un ex-rebelle syrien, Majdi Nema, qui conteste les faits.
Cet homme, ancien porte-parole de Jaysh al-Islam (JAI, Armée de l'islam), un groupe rebelle salafiste, est jugé depuis le 29 avril à Paris, en vertu de la compétence universelle de la justice française.
Il est notamment soupçonné d'avoir aidé à enrôler des enfants ou des adolescents pour les former à l'action armée. Pour ces faits, il encourt 20 ans de réclusion criminelle.
Au cinquième jour de ce procès dont les débats, poussifs et décousus, sont régulièrement émaillés d'incidents d'audience concernant notamment la traduction des propos en arabe de l'accusé, la cour a commencé à aborder le fond du dossier en entendant les enquêteurs de l'Office central de lutte contre les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, en charge des investigations.
A la barre, la directrice d'enquête a notamment expliqué qu'après l'interpellation de l'accusé en janvier 2020 à Marseille, où il se trouvait pour un court séjour d'études, plusieurs milliers de fichiers avaient été retrouvés en perquisition à son domicile, notamment dans son ordinateur et sur une tablette.
Face à l'impossibilité de se rendre en Syrie, dirigée par le régime de Bachar al-Assad avec lequel les relations diplomatiques et judiciaires étaient rompues, les enquêteurs se sont essentiellement appuyés sur ces documents, ainsi que sur des témoignages pour nourrir les investigations.
Selon l'enquêtrice, "pas mal de documents" concernent l'enrôlement de mineurs, comme un CV disant par exemple que Majdi Nema était "commandant de camps d'entraînement". Des vidéos, dont certaines ont été diffusées à l'audience, montrent des garçons s'entraînant ou portant des armes. L'accusé ne figure toutefois par sur les images.
Trois personnes de la même famille, témoignant anonymement, l'accusent d'avoir été présent lors de campagnes de formation militaire. L'un d'eux, mineur à l'époque, raconte que Majdi Nema avait enregistré personnellement son dossier.
Des éléments à faible valeur probatoire pour les avocats de la défense. Le CV mentionnait-il que Majdi Nema était commandant de camps d'entraînement "pour mineurs", demande ainsi Me Romain Ruiz. "Non", reconnaît l'enquêtrice qui s'empresse d'ajouter: "Mais dans les vidéos, dans les camps d'entraînement, on voit des mineurs".
Le conseil observe par ailleurs qu'on ne peut déterminer avec certitude l'âge des personnes en se basant sur des vidéos.
"Cela ne vous pose pas de problème qu'on ait trois témoins de la même famille" qui accusent Majdi Nema?, demande encore Me Ruiz. "Non", répond l'enquêtrice, tout en avouant un peu plus tard que "c'est mieux quand les gens ne se connaissent pas".