Essais nucléaires: la France doit demander "pardon" à la Polynésie, selon une commission d'enquête

La France doit demander "pardon" à la Polynésie française pour les conséquences des essais nucléaires menés pendant 30 ans sur ses atolls du sud de l'océan Pacifique, ont estimé les auteurs d'un rapport d'enquête parlementaire rendu public mardi.

"L'enquête a nourri la conviction de la commission d'enquête selon laquelle une demande de pardon de la part de la France à la Polynésie française s'imposait. Cette demande n'est pas un simple symbole, ni une demande de repentance. Elle doit être une démarche sincère, étape fondamentale dans le cadre d'un processus de réconciliation entre la Polynésie française et l'État", écrivent les auteurs de la commission d'enquête relative aux conséquences des 193 essais nucléaires menés localement par la France entre 1966 et 1996.

Le président de la commission, le député Didier Le Gac (Ensemble pour la République, centre) et la rapporteure Mereana Reid-Arbelot, députée de Polynésie française, y voient un "acte sobre" qui doit permettre de "traiter ce pan de notre histoire dans l'apaisement".

Ce pardon doit être inscrit dans la loi organique de 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie, ont-ils proposé dans leur rapport, estimant que c'est "au Parlement d'effectuer ce geste au nom de la nation".

"La commission d'enquête parlementaire ouvre une nouvelle page pour la vérité et la justice dans la prise en compte des conséquences sanitaires, environnementales et sociales des essais nucléaires", ont salué dans un communiqué commun la Campagne internationale pour l'abolition des armes nucléaires (Ican) et l'Observatoire des armements.

Les auteurs du rapport de la commission recommandent notamment de mettre en place une commission d'historiens et de chercheurs pour "mener un travail de fond centré sur l'étude de toutes les archives concernant la politique d'expérimentation nucléaire française en Polynésie française", qui aura vocation à "constituer la matière historique nécessaire à l'enseignement du fait nucléaire et l'assise historique d'une mémoire commune".

Côté environnemental, la commission déplore les "conséquences durables" de ces essais, dont 46 étaient atmosphériques.

En visite à Tahiti en 2021, le président Emmanuel Macron s'était refusé à présenter des excuses officielles, pourtant réclamées par les indépendantistes et associations antinucléaires.

Les 193 essais nucléaires en Polynésie ont eu lieu sous l'égide du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), qui ont permis de se doter de l'arme atomique.

En 1992, le président François Mitterrand avait instauré un moratoire. Trois ans plus tard, son successeur Jacques Chirac lançait une ultime campagne de six tirs, jugés nécessaires pour "passer au stade de la simulation en laboratoire", affirmant qu'il n'y aurait "strictement aucune conséquence écologique".

Les émeutes qui avaient suivi à Papeete, chef lieu de la Polynésie française, n'y avaient rien changé.

Soixante ans après le début de la campagne, plusieurs centaines de Polynésiens attendent toujours une reconnaissance officielle des maladies qu'ils lient aux essais nucléaires. La CPS, l'organisme de sécurité sociale locale, chiffre à plus d'un milliard d'euros le coût des pathologies radio-induites, et entend transmettre la facture à l'État.

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