L'ONG Human Rights Watch (HRW) a accusé mercredi le groupe armé M23 soutenu par Kigali d'avoir déporté plus de 1.500 de civils de l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) vers le Rwanda voisin, qualifiant cela de "crimes de guerre".
Le groupe antigouvernemental M23, qui s'est emparé des grandes villes de Goma en janvier et Bukavu en février au terme d'une offensive éclair, "a déporté plus de 1.500 personnes" vers le Rwanda "en violation des Conventions de Genève de 1949" sur le droit international humanitaire, a déclaré HRW, dans un rapport publié mercredi.
L'organisation y appelle le M23 et le gouvernement rwandais à "mettre fin aux transferts forcés de citoyens congolais et de réfugiés rwandais, qui constituent des crimes de guerre", dans une région marquée par trente ans de conflits et de tensions entre communautés.
Selon HRW, le M23 a rassemblé le 12 mai près de 2.000 personnes à Sake, une localité située à 25 kilomètres à l'ouest de Goma, capitale de la province du Nord-Kivu, "et les a transférées de force à Goma, d'où beaucoup ont ensuite été déportées vers le Rwanda".
"Cela semblait faire partie d'une opération plus large du M23 menée contre des membres présumés des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais à majorité hutue, dont certains dirigeants ont pris part au génocide de 1994 au Rwanda", a ajouté l'organisation.
Un grand nombre de civils expulsés vers le Rwanda étaient originaires de Karenga, une localité considérée comme un bastion des FDLR, selon HRW, ainsi que des sources locales et humanitaires contactées par l'AFP.
- Documents brûlés -
Une partie de ces civils avait été préalablement détenue par le M23 dans le principal stade de Goma, le 12 mai.
Le groupe armé avait alors montré à la presse 181 hommes de tous âges, présentés comme des "sujets rwandais en situation illégale" par le porte-parole militaire du groupe, Willy Ngoma.
Les détenus étaient en possession de documents d'identité congolais que le M23 avait brûlé sur la pelouse, assurant qu'il s'agissait de faux.
Quelques centaines de femmes et enfants, les familles des individus interpellés, étaient par la suite également arrivés au stade, à bord de camions affrétés par le M23.
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) avait ensuite pris en charge ces familles à Goma, dans un centre de transit habituellement utilisé pour les rapatriements volontaires, selon HRW.
Cinq jours plus tard, le 17 mai, plus de trois cent membres de ces familles avaient été conduits à la frontière entre la RDC et le Rwanda, en présence des autorités du M23. D'autres convois ont passé la frontière entre le 17 et le 19 mai.
Le M23 a présenté ces civils comme des réfugiés rwandais otages des FDLR, ce que Kinshasa a réfuté, assurant qu'ils avaient été recensés "de manière détaillée" et "signalés aux autorités de leur pays d'origine".
Huit personnes présentes dans le centre de transit ont indiqué à HRW "que des citoyens congolais et des réfugiés rwandais figuraient parmi les personnes déportées contre leur volonté" et que "beaucoup ont fait part de leur crainte d'être victimes d'abus au Rwanda".
Le HCR a affirmé à Human Rights Watch avoir tenté de contrôler le statut de quelque 1.600 présumés réfugiés rwandais amenés au centre de transit, mais que ce contrôle "a été réalisé sous pression" et que le retour au Rwanda "était la seule option possible" pour ces personnes, ajoute le rapport.
"Le transfert forcé de civils vers le Rwanda, qu'il s'agisse de citoyens congolais ou de réfugiés rwandais, est un crime de guerre en vertu des Conventions de Genève", a commenté Clémentine de Montjoye, chercheuse à HRW, citée dans le rapport.
"En raison du contrôle qu'il exerce sur le M23 dans l'Est de la RD Congo, le Rwanda est en fin de compte responsable des nombreux abus commis par ce groupe armé", a-t-elle ajouté.
Sollicité par l'AFP, le ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Olivier Nduhungirehe, a fustigé une "parodie des droits de l'homme", sans autre commentaire.
Le gouvernement congolais a pour sa part dénoncé la présumée "traque des citoyens congolais assimilés aux FDLR", dans un communiqué publié mercredi.