New York dirigée par un jeune immigrant de gauche critique d'Israël. Voilà le choix des électeurs du Parti démocrate, et le cauchemar des milieux républicains, à l'issue d'une primaire aux airs de référendum sur la personnalité la plus à même de tenir tête à Donald Trump.
Mardi soir, en pleine vague de chaleur extrême, la plus grande ville américaine a vibré d'un coup de tonnerre politique. Zohran Mamdani, 33 ans, né en Ouganda et quasi inconnu il y a encore quelques mois, a devancé de sept points (43% contre 36%) le ténor Andrew Cuomo, ancien gouverneur de l'Etat âgé de 67 ans, pour se hisser en tête de la primaire démocrate.
Au point où ce dernier, donné favori au début de la course et dans nombre de sondages, a concédé la victoire qui devrait être confirmée le 1er juillet, à l'issue du décompte du report des voix dans ce scrutin complexe où les électeurs étaient appelés à classer les candidats par ordre de préférence.
Comme New York est un fief démocrate, et comme ce parti se cherche une tête d'affiche, voire un sens après les années Biden et la défaite de Kamala Harris, cette primaire était suivie de près à l'échelle nationale, donnant en quelque sorte les premières indications de sa base électorale après la présidentielle.
"Zohran Mamdani a pulvérisé Andrew Cuomo (...), il pourrait s'agir de la plus importante victoire d'un candidat de gauche dans l'histoire des Etats-Unis", souligne le commentateur politique Ross Barkan.
"Plus d'un million de personnes se sont déplacées pour cette primaire démocrate (...) soit une multitude de langues, tous les groupes ethniques imaginables, des idéologies divergentes et tous les échelons de l'échelle sociale. New York n'est pas l'Amérique, mais elle en comprend, littéralement, toutes les facettes", ajoute-t-il.
- Face à l'establishment -
Fils de l'historien de renom Mahmoud Mamdani, auteur de l'ouvrage "Saviors and survivors" sur la guerre au Darfour, et de la réalisatrice indo-américaine Mira Nair, connue pour "Salaam Bombay", Zohran Mamdani avait été soutenu par des figures de gauche comme Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez.
Son succès témoigne d'une volonté de changement, sinon de rupture, avec l'establishment du Parti démocrate dont Bill Clinton qui avait soutenu majoritairement Andrew Cuomo dans cette primaire, estiment des analystes.
"Cette course montre que les électeurs démocrates se lassent des mêmes visages et sont prêts à miser sur les nouveaux venus", déclare à l'AFP Andrew Koneschusky, ex-conseiller démocrate au Sénat. "C'est une mauvaise nouvelle pour les démocrates de l'establishment, mais cela pourrait être bénéfique pour le parti dans son ensemble", ajoute-t-il.
Dans une Amérique qui soutient Israël, Zohran Mamdani a qualifié de "génocide" la situation à Gaza et s'est engagé à arrêter le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, sous mandat de la Cour pénale internationale (CPI), s'il foulait le sol de New York, deux points contrastant avec l'establishment de son propre parti.
- "Survivre" -
Député depuis trois ans à l'Assemblée de l'Etat de New York, qui siège à Albany, Zohran Mamdani prône surtout des investissements massifs pour les transports publics, la gratuité des bus, une hausse du salaire minimum à 30 dollars/heure d'ici 2030, un bond des impôts pour les riches.
"Il y a un fossé générationnel dans le parti. Je suis allée de maison en maison pendant la campagne, et avec les personnes âgées de 50 ans et moins c'était très facile de trouver un terrain d'entente sur les grands enjeux", dit à l'AFP Victoria Marin, 42 ans, bénévole pour la campagne de Zohran Mamdani.
"L'enjeu qui trouve le plus d'écho c'est vraiment la vie chère. Les gens peinent à survivre", ajoute-t-elle, précisant que la campagne de M. Mamdani, qui revendique 45.000 bénévoles, a réussi à créer un "mouvement populaire".
S'il part en pole position pour la municipale de novembre, M. Mamdani est encore loin de la coupe aux lèvres dans une course qui s'annonce âpre face à la candidature du maire sortant Eric Adams, celle possible d'Andrew Cuomo comme indépendant et le républicain Curtis Sliwa.
Le quotidien conservateur New York Post a donné le ton mercredi à cette campagne avec une Une coiffée des six lettres suivantes: "NYC SOS". "Qui va sauver la ville après la victoire d'un gauchiste radical à la primaire démocrate", s'interroge le Post en qualifiant Zohran Mamdani "d'anti-Israël".