Cultures arabes célébrées, programmation résonnant avec l'actualité dont le procès des viols de Mazan, soutien à Boualem Sansal et Gaza: le Festival d'Avignon ouvre samedi sa 79e édition dans un contexte de coupes budgétaires dans la culture en France mobilisant les syndicats.
Ce grand rendez-vous international du théâtre démarre en soirée dans la Cour d'honneur du Palais des papes par le spectacle "Nôt", de la chorégraphe capverdienne Marlene Monteiro Freitas, une pièce pour huit danseurs et musiciens inspirée des contes des "Mille et une nuits".
Le directeur du festival Tiago Rodrigues a invité les spectateurs à "profiter du beau, de la joie, de la poésie ensemble", lors d'une matinée de débats avec les artistes des premiers spectacles. Il a aussi appelé à "défendre le service public de culture", "trésor" de la France.
Après l'anglais en 2023 et l'espagnol en 2024, la langue et les cultures arabes sont à l'honneur. Dans ce cadre, une quinzaine d'artistes, essentiellement chorégraphes et musiciens, viendront enrichir une édition qui fait la part belle à la danse.
Dans cette programmation (42 spectacles), des artistes "s'emparent explicitement de questions d'actualité", "ça fait partie du code génétique du festival", et "d'autres explorent, de manière moins implicite, des questions (tout aussi) profondes", décrit M. Rodrigues.
Parmi les moments forts, le 18 juillet, une nuit de lecture d'extraits du procès des viols de Mazan commis sur Gisèle Pelicot, droguée pendant des années par son époux qui la livrait à des inconnus.
Cette création de Milo Rau devrait avoir un écho particulier, alors que ce procès au retentissement international s'est tenu à Avignon entre septembre et décembre 2024.
Une lecture de textes de l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné depuis plus de sept mois en Algérie et condamné à cinq ans de prison pour "atteinte à l'unité nationale", aura lieu le 9 juillet.
L'auteur de 80 ans est "emprisonné pour ses idées", ce qui est "inacceptable", a commenté Tiago Rodrigues sur France Culture.
Le directeur du festival a aussi posté sur Instagram un texte intitulé "le Festival d'Avignon commence alors qu'un massacre se poursuit à Gaza".
"Le gouvernement d'extrême droite d'Israël poursuit ses attaques contre Gaza, perpétrant des crimes de guerre, bloquant l'aide humanitaire, violant systématiquement les droits humains et le droit international, causant la mort de dizaines de milliers de civils palestiniens, parmi lesquels des milliers d'enfants", déplore-t-il.
Il formule le voeu de construire "un monde où des festivals pourront à nouveau avoir lieu à Gaza dans la paix et dans la liberté".
- "Cri d'alerte" -
Fondé en 1947 par Jean Vilar, le plus célèbre festival de théâtre au monde, avec celui d'Edimbourg, transforme chaque année en juillet la Cité des papes en ville-théâtre.
A côté du "In", démarre, en même temps cette année, le "Off", plus grand marché du spectacle vivant en France, avec quelque 1.700 spectacles.
Samedi, dans une ambiance bon enfant, des comédiens en costumes parcouraient les rues pour démarcher le public.
Mais le théâtre est célébré alors qu'il traverse un moment difficile en France, la culture étant touchée par de multiples coupes budgétaires.
La CGT spectacle, premier syndicat du secteur qui réclame depuis fin juin la "démission" de la ministre de la Culture Rachida Dati, a appelé "à refuser de jouer si la ministre ou un autre membre du gouvernement Bayrou s'affichait". Un préavis de grève préventif a été déposé.
La ministre, en déplacement dimanche à Aix-en-Provence puis Arles, n'a pour le moment pas annoncé sa venue en Avignon. Son "programme de déplacements est en train d'être finalisé", a indiqué le ministère à l'AFP.
La CGT et sept autres organisations du spectacle vivant appellent en outre à un rassemblement devant la mairie samedi à 18H30, pour "lancer un cri d'alerte" contre ces coupes budgétaires.
Samedi, démarre également la pièce du chorégraphe libanais Ali Chahrour qui raconte l'histoire de travailleuses migrantes abandonnées à leur sort pendant la guerre entre Israël et le Hezbollah pro-iranien à l'automne 2024 au Liban.
OEuvre marquante de l'histoire d'Avignon, "Le Soulier de satin" de Paul Claudel, mis en scène par Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française, résonnera à la fin du festival.