La présidente du Pérou, Dina Boluarte, a rejeté jeudi la décision de la Cour interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) suspendant la loi d'amnistie accordée aux militaires et policiers poursuivis pour violations des droits humains.
La loi, votée le 9 juillet et qui doit encore être promulguée par Mme Boluarte, bénéficie aux membres des forces de sécurité accusés, faisant l'objet d'une enquête ou jugés pour des crimes liés à leur participation à la lutte contre l'insurrection de gauche entre 1980 et 2000.
La CIDH, la plus haute instance judiciaire du continent, a ordonné le 24 juillet à l'État péruvien d'"immédiatement" suspendre cette procédure législative et, en cas de promulgation, de s'abstenir d'appliquer la loi pendant qu'elle analyse ses effets sur les droits des victimes.
Jeudi, Mme Boluarte a critiqué cette exigence au cours d'une cérémonie de la police nationale à Lima. "Nous ne permettrons pas l'intervention de la Cour interaméricaine qui vise à suspendre un projet de loi destiné à rendre justice aux membres des forces armées, de la police et des comités d'autodéfense qui ont risqué leur vie pour lutter contre la folie du terrorisme", a-t-elle lancé.
"Cette position du gouvernement est souveraine, autonome, libre et juste pour un pays qui aspire à la paix", a ajouté la présidente.
Des experts de l'ONU avaient demandé au gouvernement de Mme Boluarte de mettre son veto à la loi, faisant valoir que les normes internationales interdisent les amnisties pour les crimes graves.
L'ONG Amnesty avait exhorté le Congrès à se ranger du côté des victimes et à rejeter cette législation.
En août 2024, le Pérou s'est doté d'une loi déclarant prescrits les crimes contre l'humanité commis avant 2002 dans le cadre de la lutte contre les guérillas.
Cette initiative, que les défenseurs des droits humains qualifient de "loi d'impunité", a profité à l'ancien président Alberto Fujimori (1990-2000), mort en septembre 2024, condamné pour avoir ordonné deux massacres de civils en 1991 et 1992, ainsi qu'à 600 militaires poursuivis en justice.
Le conflit qui a opposé l'Etat aux guérillas du Sentier lumineux et du Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru a fait 70.000 morts et 20.000 disparus, selon les chiffres officiels.
La Commission de la vérité et de la réconciliation a recensé au Pérou plus de 4.000 fosses clandestines résultant des violences commises entre 1980 et 2000.
La CIDH a compétence sur une vingtaine de pays de l'Organisation des Etats américains (OEA).