Les talibans célèbrent leur 4ème anniversaire à la tête de l'Afghanistan

Les talibans célèbrent vendredi le quatrième anniversaire de leur retour au pouvoir en Afghanistan, forts de la reconnaissance de leur gouvernement par la Russie et espérant voir d'autres pays suivre.

A Kaboul, ils ont marché et brandi des drapeaux de l'"Emirat islamique d'Afghanistan" qui ont fleuri dans la capitale pour le "jour de la Victoire", marquant la reprise de la capitale, le 15 août 2021, à la République soutenue par les pays occidentaux.

Un ballet d'hélicoptères a lâché des fleurs au-dessus du centre-ville tandis que des talibans paradaient avec des bidons jaunes représentant les engins explosifs artisanaux utilisés lors de la guerre contre les Occidentaux (2001-2021), ont constaté des journalistes de l'AFP.

Mais les autorités ont annulé le défilé militaire qui s'était tenu en fanfare les années précédentes sur la base de Bagram, ancien centre névralgique des opérations occidentales.

De hauts responsables se sont plutôt succédé au micro d'une immense salle de l'université polytechnique de Kaboul pour vanter leurs réussites.

Le chef suprême des talibans, qui vit reclus dans le sud du pays, n'a pas participé à l'événement mais a salué, dans un communiqué lu par un porte-parole, le retour de la sécurité "pour la première fois depuis des décennies".

"Le peuple, à la lumière des lois islamiques, a été sauvé de la corruption, de l'oppression, de l'appropriation, de la consommation de drogues, du vol et du pillage", s'est réjoui l'émir Hibatullah Akhundzada.

Aucun mot toutefois sur les difficultés économiques rencontrées par le pays, confronté selon l'ONU à l'une des pires crises humanitaires au monde.

Selon la Banque mondiale, près de la moitié de la population vit dans la pauvreté et le chômage touche près d'un quart des jeunes de 15 à 29 ans.

- "Droits les plus basiques" -

Dans la ville orientale de Jalalabad, Zabiullah, un agriculteur de 45 ans n'ayant pas de patronyme, a célébré l'anniversaire mais dit espérer davantage d'action contre le chômage qui pousse les "Afghans pauvres à émigrer".

"Nous espérons que le gouvernement prendra soin de la nation", a-t-il dit à l'AFP.

Sur le plan diplomatique, le gouvernement taliban est encore largement exclu de la communauté internationale qui lui reproche ses mesures liberticides, prises au nom d'une interprétation ultra-rigoriste de la loi islamique et visant particulièrement les femmes.

Celles-ci sont bannies des écoles à partir de 12 ans, des universités, des salles de sport, des instituts de beauté, des parcs et de nombreux emplois.

"Contrairement à ses dires, l'émirat taliban sanglant n'est pas dévoué à la paix durable et à la dignité humaine, mais disposé à anéantir ce qui reste des droits les plus basiques de notre peuple", accuse l'Association révolutionnaire des femmes d'Afghanistan (Rawa).

Début juillet, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des mandats d'arrêt à l'encontre de l'émir Akhundzada et d'un autre dirigeant pour persécution des femmes, un crime contre l'humanité.

Mais le gouvernement, qui a fait de son acceptation internationale son cheval de bataille, venait déjà tout juste de remporter une victoire avec la reconnaissance russe.

- "Régime violent" -

Kaboul entretient en outre des relations étroites, même sans reconnaissance officielle, avec les Etats d'Asie centrale, la Chine et les Emirats arabes unis, entre autres.

Côté occidental, le gouvernement a rapporté des entretiens à Kaboul avec des responsables norvégiens, britanniques et américains notamment.

Pour Ibraheem Bahiss, du centre de réflexion International Crisis Group (ICG), la question des droits des femmes reste importante aux yeux de la communauté internationale mais d'autres enjeux l'emportent, sécuritaires notamment.

Certains pays craignent la présence sur le sol afghan de groupes terroristes, ce que Kaboul réfute. D'autres sont enclins à se saisir de la question migratoire pour contenter les pans les plus radicaux de leurs opinions publiques.

"Même l'Europe a continué à chercher un dialogue car bien qu'elle n'aime pas les politiques des talibans envers les femmes --sur lesquelles ils ont d'ailleurs indiqué qu'ils ne reviendraient pas-- elle doit gérer les flux migratoires" en provenance d'Afghanistan, explique le chercheur.

Les rapporteurs spéciaux de l'ONU ont appelé jeudi à ne pas normaliser les relations avec les talibans et à rejeter leur "régime violent et autoritaire", estimant qu'ils exerçaient leur pouvoir "sans légitimité".

"La communauté internationale doit résister à l'idée selon laquelle la situation actuelle sous le régime des talibans est inévitable ou irréversible", ont soutenu ces experts indépendants.

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