Pour coopérer avec la CPI, l'Espagne va enquêter sur des "violations des droits humains à Gaza"

La justice espagnole a annoncé jeudi qu'elle enquêterait sur des "violations des droits humains à Gaza" pour fournir des éléments à la Cour Pénale Internationale, nouvelle illustration du rôle qu'entend jouer l'Espagne dans la critique des actions menées par Israël dans le territoire palestinien.

"Le procureur général de l'Etat a publié un décret décidant la création d'une équipe de travail chargée d'enquêter sur les violations du droit international des droits humains à Gaza", ont annoncé jeudi les services du plus haut magistrat du parquet dans le pays, Alvaro García Ortiz, nommé sur proposition du gouvernement de gauche du socialiste Pedro Sánchez.

Son objectif sera de "recueillir des preuves et de les mettre à disposition de l'organe compétent, respectant ainsi les obligations de l'Espagne en matière de coopération internationale et de droits humains", a précisé le parquet général.

Cette initiative "répond à la recommandation du rapport de la Commission d'enquête internationale indépendante (COI) des Nations unies sur le territoire palestinien occupé, qui exhorte les États parties à coopérer avec l'enquête du parquet de la Cour pénale internationale".

- Rapport de police -

"Ainsi, face à la situation actuelle dans les territoires palestiniens, toute preuve, directe ou indirecte, qui peut être recueillie dans notre pays doit être intégrée dans un cadre procédural permettant son utilisation ultérieure", détaille le décret consulté par l'AFP.

Le parquet général évoque par exemple l'existence d'un rapport de la Police nationale espagnole sur les "actions de l'armée israélienne contre la population civile dans la bande de Gaza qui pourraient aller à l'encontre du droit international".

Ce rapport, que l'Espagne compte remettre aux autorités compétentes, contient "le témoignage de témoins protégés, ainsi que des éléments de preuves importants sur les actions et les circonstances sur le terrain", indique le communiqué du parquet.

Selon le procureur général, les éléments recueillis pourront servir comme "preuves à charge des crimes commis".

Le procureur de la CPI a émis des mandats d'arrêt contre le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, soupçonnés de crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Toutefois, la juridiction n'a inculpé aucun des deux hommes de génocide.

L'Espagne fait par ailleurs partie des pays qui ont rejoint la procédure lancée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice (CIJ) -- une juridiction différente de la CPI -- accusant Israël de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza.

Mais cette juridiction n'a pas encore commencé à délibérer sur la question fondamentale consistant à savoir si Israël commettait un génocide à Gaza, un processus qui pourrait prendre des mois, voire des années.

- "Crise humanitaire insupportable" -

Le gouvernement espagnol, qui a reconnu l'Etat de Palestine en mai 2024 avec l'Irlande et la Norvège, est devenu une des voix les plus critiques de l'UE à l'égard du gouvernement de Benjamin Netanyahu, avec lequel les relations sont très tendues.

Dimanche, l'étape finale de la Vuelta cycliste en Espagne a été annulée en raison de manifestations propalestiniennes qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Madrid.

Après ces incidents, le Premier ministre socialiste, Pedro Sánchez ,avait dit sa "profonde admiration" pour les manifestants, suggérant aussi d'exclure Israël des compétitions sportives "tant que la barbarie continuerait" à Gaza.

Mardi, c'est le roi d'Espagne, chef de l'Etat, qui a dénoncé "la souffrance indicible de centaines de milliers d'innocents" à Gaza ainsi qu'une "crise humanitaire insupportable" dans une rare prise de position.

Israël n'a plus d'ambassadeur en Espagne depuis 2024. Madrid a également rappelé son ambassadrice en Israël la semaine dernière, à la suite des échanges houleux entre les deux pays, après l'annonce par le gouvernement espagnol de nouvelles mesures visant à "mettre un terme au génocide à Gaza".

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