Soudan : le Conseil des droits de l'homme de l'ONU ordonne une enquête sur les exactions d'El-Facher

Une mission d'enquête a été chargée vendredi par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'identifier tous les responsables des violations présumées du droit international à El-Facher, au Soudan, afin qu'ils soient traduits en justice.

A l'issue d'une session extraordinaire du principal organe des Nations unies chargé des droits humains, convoquée d'urgence pour examiner "la situation des droits de l'homme" dans cette ville, le Conseil a adopté une résolution ordonnant à la mission indépendante d'établissement des faits de l'ONU sur le Soudan de mener l'enquête.

La mission a été chargée de recenser toutes les violations du droit international commises par toutes les parties à El-Facher, théâtre de nombreuses exactions ces dernières semaines, mais aussi d'"identifier, lorsque cela est possible", les auteurs présumés afin de garantir qu'ils "répondent de leurs actes" devant la justice.

En ouverture de cette session réclamée par le Royaume-Uni, conjointement avec l'Allemagne, l'Irlande, les Pays-Bas et la Norvège, le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a dénoncé l'inaction de la communauté internationale et prévenu les auteurs d'exactions qu'ils devraient rendre des comptes.

"Des traces de sang au sol à El-Facher ont été photographiées depuis l'espace", a rappelé Volker Türk, estimant que "la tache sur le bilan de la communauté internationale était moins visible, mais non moins destructrice".

"Mes équipes rassemblent des preuves de violations qui pourraient être utilisées dans le cadre de poursuites judiciaires (...) La Cour pénale internationale a indiqué qu'elle suivait la situation de près", a poursuivi M. Türk, prévenant: "Tous ceux qui sont impliqués dans ce conflit doivent le savoir: nous vous surveillons et justice sera faite".

Après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l'armée régulière soudanaise depuis avril 2023, ont pris le contrôle le 26 octobre d'El-Facher, ville située au Darfour, une région de l'ouest du Soudan déjà ensanglantée dans les années 2000.

Depuis, des survivants décrivent massacres, violences à caractère ethnique, enlèvements, viols et agressions sexuelles. L'ONU, comme des organisations humanitaires, ont relayé ces accusations qui ont été rejetées comme des "calomnies" par un responsable des FSR sollicité par l'AFP.

- "Risque de génocide" -

Le texte sur la mission d'enquête a été adopté par consensus, bien que plusieurs pays, dont le Soudan, se soient désolidarisés de paragraphes élargissant le champ de l'enquête.

L'ONU estime que près de 100.000 personnes ont fui El-Facher ces deux dernières semaines, beaucoup se réfugiant à Tawila, à une cinquantaine de kilomètres plus à l'ouest.

"Elles racontent des horreurs inimaginables vécues avant et pendant leur fuite", a rapporté le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) vendredi, faisant état d'enlèvements contre rançon, de vols, de recrutements forcés et de sévices sexuels.

"Des centaines de femmes et de filles ont été violées (...) le long des itinéraires de fuite, y compris en public, sans crainte de représailles ni de poursuites", a notamment raconté Mona Rishmawi, de la mission d'établissement des faits indépendante de l'ONU sur le Soudan, lors de la session de vendredi.

Adama Dieng, envoyé spécial de l'Union africaine et conseiller spécial des Nations unies pour la prévention du génocide, a averti que "le risque de génocide existe au Soudan, il est réel et s'accroît chaque jour".

L'ambassadeur du Soudan, Hassan Hamid Hassan, a condamné de son côté les Émirats arabes unis, que l'armée accuse de soutenir militairement et logistiquement les RSF.

Jamal Jama Al Musharakh, l'ambassadeur des Émirats - qui nient tout soutien aux RSF -, a critiqué vendredi les deux belligérants, accusant en particulier l'armée d'"attaques aveugles contre des marchés, des villages et des hôpitaux, en pleine famine, tout en ignorant les appels internationaux à un cessez-le-feu".

Le projet de résolution examiné vendredi "condamne toute forme d'ingérence extérieure qui alimente le conflit".

Le Soudan est ensanglanté depuis deux ans et demi par une lutte pour le pouvoir opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane aux FSR de son ancien adjoint, Mohamed Hamdane Daglo.

Les combats ont fait des dizaines de milliers de morts, forcé le déplacement de 12 millions de personnes et plongé le pays dans la plus grande crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

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