Alors qu'Emmanuel Macron va quitter la Chine et que Vladimir Poutine vient d'arriver en Inde, les déplacements des chefs d'Etat dans le monde sont devenus plus nombreux, un peu plus brefs et davantage régionaux, selon une analyse par l'AFP de 35 années de voyages de dirigeants à l'étranger.
Pendant les années 1990, les chefs d'État et de gouvernement réalisaient en moyenne quelque 1.360 déplacements internationaux par an, montre l'étude par l'AFP de la base de données Country and Organization Leader Travel (Colt) tenue par l'université américaine de Denver. Depuis 2010, ce chiffre dépasse 2.500 voyages annuels.
- Guinée-Bissau active, USA attractifs -
Les dirigeants africains ont gagné en importance dans ce ballet diplomatique. Entre 1991 et 1995, ils réalisaient environ 21% du total des voyages. Trente ans plus tard, leur part atteint près de 30%.
L'homme d'État qui a le plus voyagé depuis la pandémie de Covid-19 est d'ailleurs africain: le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, qui vient d'être renversé par un coup d'Etat militaire, avait effectué plus de 230 voyages depuis 2021, du Nigeria à la France, du Sénégal au Ghana.
Le président français Emmanuel Macron, auteur de quelque 180 voyages sur la même période, arrive en deuxième place, devant le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Depuis 1990, les États-Unis sont, de loin, la nation qui accueille le plus de dirigeants, devançant la Belgique, coeur diplomatique de l'Union européenne, et la France.
Mais en excluant les rencontres multilatérales, de type sommets ou négociations internationales, la France passe deuxième.
- Pivot russe -
Dernier chef d'État reçu à l'Elysée: le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Depuis le début de l'invasion de son pays par la Russie, le 24 février 2022, il s'est déplacé presque 130 fois à l'international (jusqu'à fin octobre). Des voyages à 80% dans des pays de l'Otan, à la recherche de soutien militaire et d'appui politique.
Pendant ce temps, Vladimir Poutine, visé par un mandat d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), a voyagé plus de deux fois moins qu'il y a dix ans. Il a largement recentré ses 32 pérégrinations sur l'Asie centrale, le Bélarus, la Chine, et d'autres pays asiatiques.
Côté réceptions, le président russe a battu en 2025 son record de rencontres bilatérales avec des chefs d'État africains: dix présidents issus de neuf pays différents.
- Régionalisation -
Au-delà de la distanciation Russie-Occident, une régionalisation croissante des visites bilatérales émerge ces dix dernières années: les membres d'un même ensemble géopolitique comme l'Otan, l'Organisation de Coopération de Shanghai, l'Union Africaine ou l'Asean ont davantage renforcé leurs voyages internes que chez des partenaires extérieurs.
Sur les presque quatre années depuis le début de la guerre en Ukraine, les pays de l'Otan ont ainsi nettement augmenté les visites bilatérales entre eux, alors que leurs voyages dans des pays tiers ont diminué, par rapport à une période équivalente dix ans plus tôt.
Seuls la Ligue arabe et les pays d'Amérique latine et des Caraïbes ont vu leurs visites progresser davantage vers l'extérieur.
- 7h de moins -
Aucune des trois visites bilatérales en Chine du président français Jacques Chirac (1997, 2004, 2006) n'avait duré moins de quatre jours. Emmanuel Macron, lui, se limite cette semaine à trois jours, comme en 2018.
Même observation pour Vladimir Poutine: son premier voyage en Inde en 2000 avait duré quatre jours, contre deux cette semaine.
Tous pays confondus, de 2,6 jours en 1990, la durée moyenne d'une visite d'État bilatérale est tombée à 2,3 jours en 2025, temps de trajet compris, un déclin de 7h sur 35 ans.
Chez les leaders européens, les visites bilatérales ne durent plus que 1,8 jour en moyenne.
"Cela reflète l'accélération du rythme géopolitique. La durée moyenne des voyages diminue parce que leur nombre augmente: les dirigeants ont moins de temps à consacrer à chaque étape, sauf à passer toujours plus de temps à l'étranger, ce qui pourrait avoir des conséquences domestiques négatives", explique Collin Meisel, chercheur au Pardee Institute de l'Université de Denver (États-Unis).

