Les autorités iraniennes refusent un examen médical indépendant de la prix Nobel de la paix 2023, Narges Mohammadi, qui dit avoir été frappée à coups de matraque par la police lors de son arrestation la semaine dernière, a déclaré sa famille mardi.
"Elle a des ecchymoses au cou et au visage", a affirmé à des journalistes à Paris par liaison vidéo l'un de ses frères, Hamid Mohammadi, installé en Norvège.
Un autre de ses frères, qui vit en Iran, "a tenté de les convaincre (les autorités iraniennes, ndlr) d'accepter qu'un médecin indépendant l'examine. Mais ils ont refusé", a précisé M. Mohammadi.
Narges Mohammadi, 53 ans, a été interpellée vendredi dans la ville de Mashad (est), avec d'autres militants, après avoir pris la parole lors d'une cérémonie en hommage à l'avocat Khosrow Alikordi, retrouvé mort début décembre.
Sa famille et son comité de soutien ont dénoncé une arrestation "violente".
Arrêtée pour la dernière fois en novembre 2021 et emprisonnée jusqu'à sa remise en liberté pour des problèmes pulmonaires en décembre 2024, Narges Mohammadi a passé de nombreuses années derrière les barreaux mais n'a jamais cessé de militer pour les droits humains et la défense des prisonniers politiques.
Dans un "bref" appel avec sa famille dimanche soir, Narges Mohammadi a raconté avoir reçu "des coups de matraque violents et répétés à la tête et au cou" lors de son arrestation, a indiqué lundi son comité de soutien, estimant que "son état physique au moment de l'appel n'était pas bon", et qu'"elle semblait souffrante".
Elle a raconté avoir été conduite deux fois aux urgences par les autorités pénitentiaires, a également indiqué son comité de soutien.
"Nous sommes très inquiets des conditions dans lesquelles elle est détenue, de l'endroit où elle se trouve, et de la manière dont elle est traitée", a ajouté M. Mohammadi.
Son époux Taghi Rahmani, qui vit à Paris, s'est également dit "très inquiet de ce qui pourrait lui arriver".
Amnesty International a accusé dans un communiqué mardi les forces de sécurité iraniennes d'avoir commis des actes de "torture et autres mauvais traitements" lors de l'arrestation, notamment en "passant violemment à tabac" Narges Mohammadi et une autre militante, Alieh Motalbzadeh.
- 50 personnes détenues -
Selon les autorités iraniennes, 39 personnes ont été arrêtées lors de la cérémonie, dont le frère de Me Alikordi, Javad, arrêté plus tard dans la journée. Ils ont été arrêtés pour avoir incité à chanter des slogans "contraires aux normes", selon le procureur de Mashad, Hassan Hemmatifar.
Mais, selon l'avocate parisienne de la famille Mohammadi, Chirinne Ardakani, "au moins 50 personnes" sont "détenues arbitrairement" depuis cette cérémonie, qui a rassemblé environ 1.500 personnes, selon elle.
Un collectif de militants iraniens, parmi lesquels le cinéaste Jafar Panahi, Palme d'or à Cannes, a appelé lundi à la libération "immédiate et inconditionnelle" de Mme Mohammadi et des autres personnes arrêtées.
Sur des images de la cérémonie, on voit Narges Mohammadi - sans le voile obligatoire pour les femmes dans l'espace public en Iran - montant sur une voiture pour s'adresser à une foule qui scande des slogans hostiles aux autorités.
Lors de l'appel téléphonique, elle a demandé à sa famille de déposer plainte "contre les services de sécurité responsables de sa détention et pour les violences subies lors de son arrestation".
Selon son comité de soutien, elle ignore quel service de sécurité la détient, mais assure que les auteurs des coups étaient des "agents en civil".
Mme Mohammadi a dit qu'elle était accusée de "coopérer avec le gouvernement israélien", ennemi juré de l'Iran.
Plus de cinq mois après une guerre de 12 jours avec Israël, l'Iran continue de mener une répression interne brutale, avec 1.400 exécutions recensées depuis le début de l'année, selon des ONG de défense des droits humains.
Les soutiens de Narges Mohammadi prévoient de déposer "ces prochains jours" une communication auprès du bureau du procureur de la Cour pénale internationale (CPI), alléguant de "crimes contre l'humanité" commis par les autorités, a affirmé Me Ardakani.
Même si l'Iran n'est pas partie au Statut de Rome de la CPI, une enquête pourrait être ouverte en raison du "caractère massif et généralisé de la répression", assure-t-elle.

