Syrie: l'opposition dénonce des "couloirs de la mort" à Alep

L'ONU a proposé vendredi de prendre le contrôle des corridors "humanitaires" ouverts par le régime syrien entre les deux secteurs d'Alep, dénoncés par l'opposition comme des "couloirs de la mort".

Non loin de la deuxième ville de Syrie, au moins 10 civils, dont une majorité de femmes et d'enfants, ont été tués dans des raids sur la localité rebelle d'Atareb, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui n'a pu dire s'ils avaient été menés par l'aviation syrienne ou celle de son allié russe.

Et dans un autre secteur du nord de la Syrie contrôlé par les rebelles, une maternité soutenue par une ONG a été bombardée dans un raid visant un commandant jihadiste local.

Après des semaines de bombardements et de siège, le régime syrien a ouvert des corridors pour encourager civils et combattants souhaitant déposer les armes et sortir des quartiers rebelles d'Alep, avec l'objectif de s'emparer de la ville.

Annoncée par la Russie, l'ouverture des couloirs a été présentée comme à but "humanitaire", ce dont doutent l'opposition, des analystes et des rebelles.

Le régime a d'ailleurs repris ses bombardements contre les quartiers rebelles d'Alep, où se trouvent assiégés depuis le 17 juillet quelque 250.000 habitants qui manquent de nombreux produits de base. Au moins huit civils ont péri vendredi dans ces bombardements, selon l'OSDH.

D'après l'Observatoire, seule "une douzaine de personnes sont sorties depuis jeudi via l'un des corridors".

"Mais les rebelles ont ensuite empêché les habitants de s'en approcher", a-t-il ajouté.

Enjeu majeur d'un conflit déclenché en 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie, Alep est divisée depuis 2012 en quartiers tenus par le régime à l'ouest et secteurs contrôlés par les insurgés à l'est.

Vendredi, les rues de plusieurs quartiers rebelles étaient désertes, les habitants ne se risquant pas à sortir, selon un correspondant de l'AFP. Même les bruits des moteurs électrogènes ont cessé, faute de carburant.

- 'Message brutal' -

La France a soutenu vendredi que ces "couloirs", qui consistent "à demander aux habitants d'Alep de quitter la ville", n'apportaient pas de "réponse crédible" à la situation humanitaire.

L'ONU s'est dite "en principe et en pratique" favorable à une initiative de ce type et a proposé de prendre le contrôle de ces corridors. "L'ONU et ses partenaires humanitaires savent ce qu'il faut faire. Ils ont l'expérience", a souligné l'envoyé spécial onusien pour la Syrie, Staffan de Mistura.

"Il n'y a pas de couloirs humanitaires à Alep", a toutefois déclaré à l'AFP Ahmad Ramadan, membre de la Coalition de l'opposition en exil et originaire de la ville. "Ces couloirs, les habitants d'Alep les appellent les couloirs de la mort".

"Le message brutal pour notre peuple est: partez ou mourrez de faim", a affirmé Bassma Kodmani, autre membre de l'opposition.

Les forces prorégime cherchent depuis des mois à reconquérir le secteur rebelle d'Alep.

Vendredi, la télévision d'Etat utilisait le slogan "Alep victorieuse" et montrait des images de gens euphoriques du côté loyaliste.

Pour Karim Bitar, directeur de recherches à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), "les habitants d'Alep font face à un terrible dilemme, ils ont le choix entre risquer de mourir de faim ou risquer de mourir dans leur fuite".

"La tragédie syrienne a souvent montré que l'humanitaire a été utilisé comme stratagème cynique servant des intérêts géopolitiques", a-t-il dit.

- 'Reddition' -

Le régime a eu recours à la tactique du siège pour soumettre la rébellion dans d'autres régions du pays.

Selon une source diplomatique occidentale, "les Russes et le régime veulent pousser les gens à se rendre. Ce qu'ils veulent c'est une reddition" à Alep.

Des médecins syriens des zones rebelles ont averti, depuis Genève, qu'une société entière était "en train d'être éradiquée sous les yeux du monde" à Alep.

Selon des analystes, perdre Alep représenterait un tournant dans une guerre qui a fait plus de 280.000 morts et poussé des millions de personnes à la fuite.

Sans cette ville, "la rébellion ne représenterait plus une menace stratégique pour le régime", selon Emile Hokayem, du International institute for strategic studies.

Ailleurs en Syrie, l'ONG Save the Children a indiqué qu'une maternité qu'elle soutient dans la province d'Idleb (nord-ouest) et qui assure des soins à plus d'un millier de femmes a été bombardée vendredi, faisant des "victimes" dont elle n'a pu préciser le nombre.

D'après l'OSDH, le raid est survenu dans la localité de Kafar Takharim et a tué un commandant jihadiste local.

Selon Amnesty international, il s'agit d'un "possible crime de guerre" qui semble s'inscrire dans une "abjecte logique d'attaques illégales visant délibérément des établissements médicaux" en Syrie.

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