Syrie : l'affaire du cimentier Lafarge

Le cimentier français Lafarge, dont trois cadres ont été mis en examen vendredi à Paris, est soupçonné d'avoir financé indirectement des organisations jihadistes en Syrie, dont l'organisation Etat islamique (EI), pour s'y maintenir malgré la guerre.

- 'Arrangements troubles' -

Le 21 juin 2016, Le Monde révèle que Lafarge a tenté, en 2013 et 2014, de faire fonctionner "coûte que coûte" son usine en Syrie "au prix d'arrangements troubles et inavouables avec les groupes armés environnants", dont l'EI.

Le journal cite des courriels envoyés par la direction de Lafarge révélant des arrangements avec l'EI pour pouvoir poursuivre la production jusqu'au 19 septembre 2014, date à laquelle l'EI s'est emparé du site et le cimentier a annoncé l'arrêt de toute activité.

Lafarge, qui a fusionné en 2015 avec le Suisse Holcim pour devenir un géant des matériaux de construction, confirme avoir exploité une cimenterie à Jalabiya "entre 2010 et 2014" sans s'exprimer sur les allégations d'arrangements avec l'EI. Ce groupe affirme que "la priorité absolue de Lafarge a toujours été d'assurer la sécurité et la sûreté de son personnel".

Située à 150 km au nord-est d'Alep, la cimenterie avait été achetée par Lafarge en 2007.

- Plaintes -

En septembre 2016, le ministère de l'Economie porte plainte, déclenchant l'ouverture d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris, confiée au Service national de douane judiciaire (SNDJ).

La plainte se fonde sur une interdiction d'acheter du pétrole en Syrie, édictée par l'Union européenne dans le cadre d'une série de sanctions contre le régime de Bachar al-Assad.

En novembre, Lafarge est visé par une autre plainte, déposée par deux ONG : l'association Sherpa, qui représente onze anciens employés syriens, et le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits de l'Homme (ECCHR). Elles l'accusent d'avoir financé l'EI pour maintenir en activité sa cimenterie.

- Enquête -

Le 9 juin 2017, une information judiciaire est ouverte pour notamment "financement d'entreprise terroriste" et "mise en danger de la vie d'autrui". Elle est confiée à deux juges d'instruction du pôle financier et à un magistrat instructeur du pôle antiterroriste.

Les investigations sont menées par le SNDJ, qui entend début 2017 plusieurs responsables du cimentier et de sa filiale syrienne, dont Bruno Lafont, un ex-PDG du groupe, et Eric Olsen, le directeur général démissionnaire de LafargeHolcim.

Dans son rapport, le SNDJ conclut que Lafarge Cement Syrie (LCS), la branche syrienne du groupe, a "effectué des paiements aux groupes jihadistes" pour que la cimenterie continue à fonctionner. La direction française de Lafarge "a validé ces remises de fonds en produisant de fausses pièces comptables", ajoute-t-il.

Du 18 au 20 septembre, trois ex-salariés syriens de la cimenterie, un informaticien, un ingénieur et un employé chargé des emballages, arrivés spécialement de Syrie pour répondre à la convocation des magistrats français, sont entendus à Paris.

Le 25 septembre, un collectif de défense des chrétiens d'Orient porte plainte pour "complicité de crimes contre l'humanité" contre Lafarge.

- Perquisition -

Les 14 et 15 novembre, une perquisition est effectuée au siège parisien de Lafarge, ainsi qu'à Bruxelles chez GBL, un des actionnaires du cimentier.

Le 1er décembre, trois cadres de Lafarge placés le 29 novembre en garde à vue -Bruno Pescheux, le directeur de la cimenterie de 2008 à 2014, Frédéric Jolibois, qui avait repris la direction du site à partir de l'été 2014, et Jean-Claude Veillard, le directeur chargé de la sûreté chez Lafarge-, sont inculpés de "financement d'une entreprise terroriste" et de "mise en danger de la vie d'autrui", et placés sous contrôle judiciaire.

acm/mig/bds

LAFARGEHOLCIM

GROUPE BRUXELLES LAMBERT

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