L'ultranationaliste serbe Seselj rejugé après un acquittement surprise

Renverser l'acquittement surprise de l'ultranationaliste serbe Vojislav Seselj sera la tâche ardue à laquelle s'attellera mercredi l'accusation lors du procès en appel devant un tribunal de l'ONU contre ce député jugé non coupable en première instance de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre.

Mais le box des accusés sera vide, car Vojislav Seselj refuse de venir depuis Belgrade pour ce procès d'une journée. Le jugement devrait être rendu au premier semestre 2018.

Il s'agit de la première audience dans l'enceinte de ce bâtiment de La Haye depuis le suicide fin novembre en direct d'un accusé, Slobodan Praljak, un Croate de Bosnie. Le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) venait de confirmer sa condamnation à vingt ans de prison pour notamment crimes de guerre, dernier jugement du tribunal avant de clore ses portes.

Mais ce procès en appel de Vojislav Seselj sera également l'une des premières affaires devant le Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux, compétent pour reprendre toute affaire du TPIY.

Vojislav Seselj avait été acquitté à la surprise générale en mars 2016 par le TPIY de neuf chefs d'accusation pour nettoyage ethnique contre des Croates, des musulmans et autres non-Serbes dans les années 1990: le tribunal avait estimé que Seselj n'était pas "le chef hiérarchique" des milices de son Parti radical serbe (SRS).

Le procureur du TPIY, Serge Brammertz, a décelé des "erreurs de grande envergure" et des "manquements fondamentaux" dans ce jugement. Il avait rapidement interjeté appel.

- 'Réécriture de l'histoire' -

Pour ses détracteurs, Vojislav Seselj, 63 ans, a personnifié le nationalisme serbe lors des conflits dans les Balkans, en les alimentant par ses discours enflammés. Il avait ainsi encouragé ses troupes à "n'épargner personne" lors du siège de la ville croate de Vukovar en 1991. Il avait qualifié les musulmans d'"excréments" un an plus tard à Mali Zvornik, en Serbie.

Selon le procureur Brammertz, Vojislav Seselj a "propagé une politique visant à réunir tous +les territoires serbes+ dans un Etat serbe homogène, qu'il appelait la +Grande Serbie+" et fut le membre de l'"entreprise criminelle commune" aux côtés notamment de l'ex-président serbe Slobodan Milosevic, décédé en 2006 dans sa cellule à La Haye.

Pour l'accusation, le faucon ultranationaliste est pleinement responsable en raison de ses appels aux meurtres, aux persécutions, aux transferts forcés de populations et aux tortures, lors d'une guerre qui a fait 20.000 morts en Croatie et 100.000 en Bosnie.

Les juges avaient néanmoins estimé que ses discours ne procédaient pas d'un dessein criminel et qu'ils étaient destinés à renforcer le moral des troupes.

Homme massif à la mèche argentée peignée sur le côté, Seselj avait accueilli triomphalement ce verdict "honorable et juste" rendu par un tribunal que ce maître provocateur avait autrefois accusé d'exercer des "rites sataniques".

Mais vingt ans après les conflits sanglants qui suivirent la chute de l'ex-Yougoslavie, l'acquittement avait provoqué l'ire de Zagreb, ranimé les divisions dans l'ancienne fédération yougoslave et indigné juristes et historiens.

Les experts y voyaient un droit international bafoué et une réécriture de l'Histoire.

- Les mots pour arme -

Vojislav Seselj s'était rendu volontairement au TPIY en 2003 et avait assuré sa propre défense lors de son procès, ouvert en 2007 après un faux départ en 2006 en raison de son état de santé.

Il avait été autorisé à retourner en Serbie en 2014, deux ans après la fin de son procès, pour être soigné d'un cancer.

Acquitté en son absence, cet admirateur du président américain Donald Trump et du fondateur du Front National français Jean-Marie Le Pen a ensuite été élu député dans son pays.

Pour l'audience en appel, le principal intéressé dit n'avoir "plus rien à faire avec (ce) tribunal".

"J'ai passé douze ans à La Haye à attendre que le tribunal prouve les accusations qui pèsent contre moi", a déclaré à l'AFP Vojislav Seselj, joint par téléphone. "Puisque j'ai été acquitté en première instance, je ne vois pas ce qu'il reste pour ce Mécanisme, ce qu'il peut faire avec mon verdict"

Le procureur doit désormais convaincre les cinq juges du Mécanisme que, comme l'a dit l'accusé lui-même, "les mots peuvent être une arme redoutable".

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