Le « colonel de l'apocalypse » était directeur de cabinet au ministère de la Défense pendant le génocide. Le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva était commandant du secteur militaire de Gisenyi (nord), le major Aloys Ntabakuze commandait l'unique bataillon paracommando de l'époque et enfin le général de brigade Gratien Kabiligi était chef des opérations militaires à l'Etat- major de l'armée.
Accusés de crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, les quatre officiers supérieurs plaident non coupables.
Le 28 mai 2007, le procureur en chef du TPIR, Hassan Bubacar Jallow, a requis la prison à vie contre chacun des accusés.
« Ils ont préparé, planifié, ordonné, dirigé, incité, encouragé et approuvé le meurtre de civils tutsis innocents, des hommes, des femmes, des enfants et d'autres considérés comme des complices », a accusé Jallow. « Personne n'a contribué mieux que les quatre accusés au succès de cette terrible campagne », a assené le procureur. Selon lui, dans le cadre d'une conspiration en vue de commettre le génocide, les 4 accusés ont ordonné à des militaires et à des miliciens de tuer les Tutsis et de violer leurs filles ou femmes.
S'en prenant particulièrement à Bagosora, il l'a accusé d'avoir refusé d'associer le Premier Ministre Agathe Uwilingiyimana, « l'autorité légitime et constitutionnelle », à la gestion de la crise consécutive à l'assassinat le 6 avril 1994 du président Juvénal Habyarimana. Mme Uwilingimana fut assassinée par des éléments de l'armée gouvernementale rwandaise le 7 avril 1994.
Pour Jallow, Bagosora est également responsable de l'assassinat des 10 Casques bleus belges, dans le but, selon lui, de provoquer le retrait de la force des Nations Unies, pour laisser le champ libre à la machine à tuer.
S'adressant aux juges le 01 juin 2007, à la fin du procès, le colonel Bagosora s'est dit victime de la propagande de l'actuel régime rwandais. « Je n'ai tué personne, ni donné aucun ordre de tuer qui que ce soit (...) Vous seuls pouvez me réhabiliter dans la société », a clamé le principal accusé du TPIR.
Bagosora et Nsengiyumva ont été arrêtés au Cameroun en mars 1996 et transférés au centre de détention du TPIR le 23 janvier 1997. Ils y ont été rejoints le 18 juillet 1997 par Kabiligi et Ntabakuze qui venaient d'être arrêtés le même jour au Kenya.
Après maints atermoiements sur les intérêts et les inconvénients d'un procès groupé, le procès s'est ouvert le 2 avril 2002, en l'absence des accusés.
La déclaration liminaire du procureur en chef Carla Del Ponte fut l'unique acte de cette audience inaugurale qui avait pourtant fait affluer les médias du monde entier.
La magistrate suisse avait promis à la chambre, qui était alors présidée par le juge George Williams, originaire de Saint-Kitts-et-Nevis, d'apporter la preuve d' « un plan, une organisation » entre les accusés en vue de commettre le génocide.
Depuis lors, le procès a connu bien des rebondissements. En mai 2003, le juge Williams qui était en conflit permanent avec les équipes de défense et qui déplorait souvent, à l'audience, la lenteur des débats, s'est retiré de l'affaire, officiellement pour «des raisons personnelles ».
La direction des débats a été reprise par le juge norvégien Erik Mose qui est parvenu, non seulement, à imprimer un nouveau rythme au procès mais aussi à faire régner la sérénité à l'audience.
Plusieurs fois obligé de revoir à la baisse sa liste de témoins, le procureur a bouclé son accusation le 14 octobre 2004 après avoir cité 82 personnes à la barre.
La défense s'est ouverte le 11 avril 2005 et s'est achevée en janvier 2007, les accusés ayant fait comparaître 160 témoins en tout.
Les débats se sont étalés sur 408 jours d'audience au cours desquels 1554 pièces à conviction ont été déposées.
ER/GF
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