Le parlement allemand va qualifier de "génocide" la famine ukrainienne des années 30

Le parlement allemand va définir comme "génocide" la famine en Ukraine provoquée il y a 90 ans par le régime stalinien, l'"Holodomor", un crime de masse qui a acquis une nouvelle résonance depuis l'invasion russe.

C'est dans une rare unanimité que la coalition au pouvoir, formée par le SPD, les Verts et les libéraux du FDP, à laquelle se joint l'opposition conservatrice CDU-CSU, va faire adopter cette résolution mercredi au Bundestag, la chambre basse du parlement.

"Tous les groupes parlementaires démocratiques allemands se sont mis d'accord sur une résolution commune importante sur l'Holodomor", a immédiatement réagi sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kuleba, exprimant sa "reconnaissance pour voir honoré le peuple ukrainien".

En 1932 et 1933, environ 3,5 millions d'Ukrainiens ont été victimes de l'"Holodomor" (qui signifie, en ukrainien, extermination par la faim) commis par le régime stalinien. Les récoltes étaient confisquées au nom de la collectivisation des terres.

- Un "génocide" dénoncé par le Pape -

Cette famine, commémorée en Ukraine le quatrième dimanche de novembre, s'inscrit "dans la liste des crimes inhumains commis par des systèmes totalitaires qui ont fait disparaître des millions de vies humaines en Europe, notamment dans la première moitié du XXe siècle", condamne le projet de résolution, consulté par l'AFP et qui sera adopté mercredi prochain.

Ce crime "fait partie de notre histoire commune en tant qu'Européens". "C'est toute l'Ukraine qui a été touchée par la famine et la répression, et pas seulement ses régions productrices de céréales", souligne le projet de résolution.

"Dans la perspective actuelle, il est donc évident qu'il s'agit d'un génocide sur le plan historique et politique", ajoute-t-il.

Le Bundestag "déduit du propre passé de l'Allemagne une responsabilité particulière, celle d'identifier et de traiter les crimes contre l'humanité au sein de la communauté internationale", explique en outre le texte.

Cette classification comme "génocide", un concept forgé lors de la Seconde guerre mondiale, revêt aussi une signification actuelle, avec l'invasion russe de l'Ukraine.

"Une fois de plus, la violence et la terreur doivent priver l'Ukraine de ses bases vitales et soumettre l'ensemble du pays", souligne le député écologiste Robin Wagener, un des initiateurs du texte. Qualifier l'Holodomor de "génocide" est un "signal d'avertissement", selon lui.

Le président russe Vladimir Poutine "s'inscrit dans la tradition cruelle et criminelle de Staline", dénonce en outre M. Wagener.

Le Pape François avait lui-même évoqué ce crime le 23 novembre et utilisé le terme de "génocide". "Nous prions pour les victimes de ce génocide et pour tant d'Ukrainiens, enfants, femmes et personnes âgées, bébés, qui souffrent aujourd'hui du martyre de l'agression", avait lancé le Souverain Pontife depuis le Vatican.

Le chancelier Olaf Scholz et sa cheffe de la diplomatie, l'écologiste Annalena Baerbock, ont eux aussi dit soutenir vendredi, par la voix de porte-paroles, cette qualification.

- "Révisionnisme" russe -

L'Ukraine fait campagne depuis des années pour que l'Holodomor soit reconnu comme un génocide. Mercredi, le parlement roumain a voté un texte qualifiant l'Holodomor de "crime contre l'humanité".

La Russie refuse catégoriquement une telle classification, car la grande famine qui a sévi en Union soviétique au début des années 30 n'a pas seulement fait des victimes ukrainiennes, mais aussi russes, kazakhes, allemandes de la Volga et des membres d'autres peuples.

"Au début des années 1980, des représentants soviétiques niaient encore l'Holodomor devant l'Assemblée générale des Nations unies", rappelle la résolution allemande, regrettant qu'il ait "fallu des décennies pour que les dirigeants soviétiques, sous la direction de Mikhaïl Gorbatchev, reconnaissent qu'il y avait eu une +famine+" en Ukraine.

La politique menée par M. Poutine, marquée en 2021 par la fermeture de l'organisation Mémorial, qui documentait les crimes du stalinisme et a depuis reçu le Prix Nobel de la Paix, souligne à ce titre "l'idéologisation révisionniste" actuelle de l'histoire russe, fustige le texte examiné au Bundestag.

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