L'ancien policier argentin Mario Sandoval, soupçonné d'avoir participé à des centaines d'enlèvements, tortures et disparitions sous la dictature et extradé de France en 2019 au terme d'un long exil, a été condamné mercredi à 15 ans de prison, pour la disparition d'un étudiant en 1976.
Mario Sandoval, 69 ans, a été reconnu coupable de "privation illégitime de liberté" et "d'imposition de tortures à un détenu politique": Hernan Abriata, étudiant en architecture et militant péroniste de 24 ans, enlevé en octobre 1976, et disparu depuis, selon le jugement d'un tribunal de Buenos Aires, aux extraits publiés par l'agence officielle Telam.
Ancien inspecteur de police fédérale à Buenos Aires, Mario Sandoval avait comparu en septembre, jugé pour le seul dossier d'Abrieta, bien qu'il soit soupçonné d'avoir été l'un des agents les plus actifs de l'ESMA, l'Ecole de mécanique de la Marine, dont une aile devint le centre de détention et de torture le plus tristement célèbre de la dictature (1976-1983).
Il avait été extradé de France en décembre 2019, après huit ans de bataille judiciaire, des recours devant le Conseil d'Etat et le Conseil constitutionnel notamment, et placé depuis en détention préventive en Argentine.
Des peines de 20 ans de prison à la réclusion à perpétuité avaient été réclamées au procès par le ministère public et les parties civiles, parmi lesquelles la famille d'Hernan Abriata, le secrétariat des Droits de l'Homme, des survivants de l'ESMA.
Mario Sandoval a entendu l'énoncé de la sentence, par téléconférence, depuis sa cellule de la prison militaire de Campo de Mayo.
Auparavant, il avait une dernière fois clamé son innocence, dit n'avoir rien eu à voir avec l'ESMA. Comme au début du procès lorsque, défiant, il s'était dit "prisonnier d'exception", victime d'un "procès politique", qui veut lui faire "porter la responsabilité politique de la violence de cette époque".
- Le verdict "n'apaise" pas, mais "renforce" -
"A ce procès, ma liberté et ma réputation ont été mises en danger. Par moments, la Cour est devenue une scène, où les discours étaient politiques et je ne pouvais pas me défendre", a-t-il lancé mercredi.
Monica Dittmar, compagne d'Abriata en 1976, présente lorsque les policiers vinrent le chercher, s'est dite à l'AFP "satisfaite" du jugement, même si elle aurait souhaité, comme d'autres parties civiles, que soit retenu le qualificatif de "génocide".
Satisfaite, aussi, "parce qu'il y a eu condamnation, parce qu'a été prouvée sa participation", au terme d'un marathon judiciaire. Pour autant, difficile de parler d"apaisement", a-t-elle ajouté.
"Dans ces cas de disparitions forcées, parvenir à un apaisement est très compliqué. Ce sont des processus très longs, 46 ans, c'est toute une vie (...) Mon sentiment aujourd'hui, c'est de continuer la lutte, pour tous nos autres compagnons" disparus. Et en ce sens, le verdict "nous renforce".
Exilé en France en 1985, après la chute de la junte, Mario Sandoval s'y était bâti une nouvelle vie, devenant consultant sur les questions de défense et de sécurité. Il avait enseigné notamment à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine (IHEAL), à Paris.
Il avait obtenu la nationalité française en 1997, mais n'étant pas Français à l'époque des faits visés, pouvait être extradé. Il avait été débusqué à la suite d'un article de presse, et via une étudiante, fille d'exilés argentins, qui avait suivi un de ses cours à la Sorbonne. Des ex-détenus l'avaient reconnu d'après des photos.
Depuis la reprise en 2006 des procès de la dictature - après plus d'une décennie de mesures et lois d'amnistie hautement controversées, plus de 1.110 personnes ont été condamnées pour crimes contre l'humanité, lors de la dictature, qui selon les ONG a laissé 30.000 morts ou disparus.
Des procédures restent en cours contre plus de 600 autres, soit au stade de procès, soit encore à l'instruction, selon le parquet spécialisé.

