07.12.09 - RWANDA/GENOCIDE - « MON BEAU-PERE EST-IL LE MEURTRIER DE MA MERE ? » (REPORTAGE)

Kigali, 07 décembre 2009 (FH) - Son beau-père, Simon Bahizi, a-t-il vraiment joué un rôle dans le meurtre de sa mère Roza Mpore? Annonciata vit hantée par cette question. « Tantôt, je me dis que c'est faux, tantôt je me dis que c'est vrai. Seul le Tout-Puissant sait la vérité ! », confie la jeune femme.

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La justice des hommes, elle, a déjà tranché: Bahizi, chrétien pratiquant et père adoptif d'Annonciata, a joué un rôle dans le meurtre de Roza Mpore.

Lors de son procès devant une cour gacaca, Bahizi avait expliqué, au milieu de contradictions, d'hésitations et de balbutiements, qu'il n'avait pas porté de coups à cette voisine tutsie. Mais cela n'a pas suffit pour le blanchir, des témoins affirmant qu'il était bien allé, avec d'autres, chercher Roza Mpore dans sa cachette en avril 1994. La victime a été tuée à deux pas de l'endroit où elle avait tenté de chercher refuge.

Sur la foi de ces témoignages, le jury gacaca a condamné Bahizi à 30 ans de prison ferme.

Après la mort de Mpore, son mari hutu est devenu alcoolique et s'est avéré incapable d'assumer la charge de ses trois enfants. Annonciata et ses deux frères ont alors été recueillis par la famille de Bahizi, qui comptait également plusieurs enfants. « Il était difficile de faire la différence entre les propres enfants de Bahizi et ceux qu'il avait recueillis. Tous étaient traités de la même façon », commente un voisin.

Quelques années plus tard, Moïse, un des nombreux fils de Bahizi s'est épris d'Annonciata, qui n'éprouvait pas de moins bons sentiments envers lui. La nouvelle a commencé à circuler dans ce petit quartier populeux de Kimisange, dans la banlieue de Kigali, jusqu'à parvenir aux oreilles de Bahizi.

Un soir qu'il rentrait de sa plantation de canne à sucre, Bahizi s'est ainsi mis en devoir de rabrouer son fils, lui reprochant de vouloir épouser sa sœur. Mais c'était sans compter avec la détermination des deux tourtereaux. Le mariage a eu lieu malgré les protestations du père.

« Je vivais sans histoire avec ma belle-famille jusqu'au jour où des gens ont commencé à murmurer que mon beau-père avait joué un rôle dans la mort de ma mère. Je n'avais jamais entendu cela auparavant », raconte Annonciata. La jeune femme a eu le courage de demander à son mari s'il en savait quelque chose. « Il m'a répondu qu'il entendait cela pour la première fois. Je l'ai cru mais je me suis mise à pleurer ».

Lorsque les procès devant les juridictions populaires gacacas ont commencé dans leur quartier, son mari a été mis en cause avant son beau-père. Moïse s'est alors enfui en Ouganda, mais la vie en exil étant trop difficile, il est rentré au Rwanda. Jugé quelques mois plus tard, il a été condamné à 10 ans de prison, dont la moitié consistera à effectuer des Travaux d'intérêt général (TIG).

« La gacaca a conclu qu'il s'était trouvé à un barrage routier auquel des personnes avaient été massacrées mais personne n'a dit qu'il aurait tué ou qu'il aurait demandé à tuer », indique sa femme, toujours éprise de Moise malgré sa condamnation et de longs mois de séparation.

S'agissant de son beau-père, elle se pose toujours de douloureuses questions. « Pourquoi le vieux (on ne nomme pas son beau-père dans la culture rwandaise), s'est-il joint à ceux qui recherchaient ma mère ? A-t-il été forcé ? Mon bienfaiteur est-il vraiment le meurtrier de ma mère ?».

ER/GF

 © Agence Hirondelle