19.02.10 - TPIR/GREFFE - LE RYTHME DU TPIR TRIBUTAIRE DE SES INTERPRETES ET TRADUCTEURS

Arusha, 19 février 2010 (FH) - On ne parle presque jamais d'eux au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). Pourtant, sans ses interprètes et traducteurs, cette gigantesque machine ne pourrait pas tourner.

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La sous-section des interprètes comporte 3 unités, correspondant chacune à une des 3 langues de travail du tribunal, le français, l'anglais et le kinyarwanda. « Leur rôle est essentiel pour toute communication entre les acteurs au prétoire », estime le porte-parole du TPIR, le Canado-Togolais Roland Amoussouga.

« Personne ne conteste l'importance de ce travail, mais certains interprètes ne sont pas à la hauteur. Quand on a la chance d'être bilingue, on s'en rend compte facilement », commente un avocat sous couvert de l'anonymat.

Le chef de la sous-section, François Bembatoum, un Camerounais rompu au métier, affirme, de son côté, que les plaideurs exagèrent parfois. « Pour se tirer d'une situation difficile, certains avocats accusent les interprètes », se plaint cet interprète en poste depuis le début des procès en 1997. Il confesse cependant que « la perfection n'est pas de ce monde ».

« La transmission d'une pensée d'une langue à une autre, même dans des conditions normales, ne se fait pas sans difficulté, à plus forte raison quand on traite de notions juridiques complexes et variables selon les écoles de droit », témoigne Bembatoum. Les procureurs et avocats plaidant au TPIR viennent en effet d'horizons divers. « Par ailleurs, la restitution du message en temps réel soumet l'interprète à une pression telle qu'on peut comprendre qu'un terme technique ou une nuance lui échappe », poursuit-il.

Après plus de 10 ans de procès, la sous-section maîtrise actuellement les faits et le contexte du génocide rwandais, ce qui lui facilite énormément la tâche. Aujourd'hui, les plus grosses difficultés se posent lorsque les débats deviennent intenses dans le prétoire. « Quelques fois, les acteurs perdent patience et ont tendance à parler en même temps, ce qui met les interprètes dans une situation extrêmement difficile », note-t-il.

Le principal souci de François Bembatoum demeure la "cabine kinyarwanda qui n'arrête jamais", alors qu'elle est la moins étoffée avec neuf interprètes. En effet, la plupart des témoins à charge ou à décharge au TPIR sont  des Rwandais qui préfèrent, d'une manière générale, s'exprimer dans leur subtile langue maternelle, même lorsqu'ils sont diplômés de prestigieuses universités françaises ou anglaises. Or, depuis quelques mois, cette unité connaît « une grosse hémorragie », notamment vers la Cour pénale internationale (CPI), saisie de dossiers congolais. Certains interprètes rwandophones présentent en effet l'avantage de parler également des langues de l'est de la République démocratique du Congo (RDC), comme le swahili et le lingala.

Quand les interprètes ne sont pas retenus par les audiences, ils vont donner un coup de main à leurs collègues de la sous-section « traduction ».

Cette dernière traduit tous les documents soumis par les parties, les décisions et jugements rendus par les chambres. Les pièces déposées par les parties en procès peuvent être des jugements rendus par la justice rwandaise, de larges extraits de livres sur le Rwanda, des transcriptions d'émissions radio, des compte-rendu de réunions, des chansons ou des poèmes sibyllins de l'ancien Rwanda, etc.

De tous ces documents, ceux qui prennent le plus de temps sont les jugements de première instance ou d'appel du TPIR, qui comptent souvent plusieurs centaines de pages. La traduction d'un jugement peut parfois prendre une année, retardant ainsi les procédures en appel. « La traduction, ce n'est pas de la photocopie. Les normes de production internationalement acceptées sont également bien connues. A défaut de disposer d'effectifs suffisants par rapport au volume de travail à abattre, il faut laisser le temps au temps », conclue François Bembatoum.

Le TPIR compte actuellement, pour ses trois langues de travail, 36 interprètes et 16 traducteurs.

ER/GF

© Agence Hirondelle