20.08.10 - TPIR/KAREMERA - LES VICISSITUDES DU PROCES DES DIRIGEANTS DE L'EX-PARTI PRESIDENTIEL

Arusha, 20 août 2010 (FH) - Après le décès de Joseph Nzirorera, le procureur et les avocats des deux autres accusés dans le procès MRND se retrouveront lundi autour de la chambre pour discuter des conséquences juridiques de cette disparition sur le déroulement de cette affaire à l'histoire très mouvementée.

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L'ancien secrétaire général du MRND, un ingénieur civil formé à l'Université nationale du Rwanda (UNR), est mort le 1er juillet « des soudaines complications d'une longue maladie », selon le tribunal.

Il laisse sur le banc des accusés l'ancien président du MRND, Mathieu Ngirumpatse et l'ancien vice-président du parti, Edouard Karemera, avec lesquels il était inculpé de 7 chefs d'accusation de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

Poids lourd incontesté de l'ère Habyarimana, ce fils de Ruhengeri, dans le nord du Rwanda, a échappé à la justice des hommes alors qu'il citait encore les témoins de sa défense. Cette péripétie est la dernière en date d'une série de vicissitudes ayant marqué ce dossier fort complexe.

L'imprudente hospitalité de la juge Vaz

Un premier procès dans lequel les trois anciens responsables du Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement (MRND) comparaissaient avec l'ancien ministre de l'Enseignement primaire et secondaire André Rwamakuba s'était ouvert en novembre 2003.

Rwamakuba, pour sa part, était membre du Mouvement démocratique républicain (MDR), le principal adversaire du MRND, avant l'assassinat du président Juvénal Habyarimana le 6 avril 1994.

En mai 2004, la présidente sénégalaise de la chambre, Andrésia Vaz, accusée par la défense d'apparence de partialité pour avoir eu l'imprudente générosité d'abriter momentanément sous son toît un membre du banc du procureur, est obligée de se récuser.

Le représentant du procureur, l'Américain Don Webster, en profite pour demander une disjonction d'instances, dans le but de modifier sa stratégie en se concentrant plutôt sur la thèse de la planification du génocide à la tête MRND.

La séparation accordée, Rwamakuba sera jugé seul et acquitté le 20 septembre 2006. Le procureur décidera de ne pas faire appel.

Nouveau procès pour les trois responsables du MRND

Pour leur part, les trois dirigeants du MRND reviennent au prétoire  le 19 septembre 2005, dans le cadre d' un nouveau procès devant une nouvelle chambre, présidée par le juge Dennis Byron originaire de Saint-Christophe-et-Niévès, et comprenant également le Ghanéen Emile Short et le Burkinabé Gustave Kam.

Dans sa déclaration liminaire, le Procureur en chef, venu en personne pour donner à l'événement toute son importance, annonce devant une galerie publique bondée que sa thèse sera centrée sur la création, le commandement et le contrôle de la milice Interahamwe -fer de lance du génocide-, la genèse de ce génocide ainsi que le rôle de la violence sexuelle dans la campagne génocidaire.

« Les trois accusés étaient parmi ceux qui ont créé les Interahamwe, aile jeunesse de leur parti, le MRND. Ils les ont rassemblés dans une coalition de miliciens avec des jeunes d'autres partis politiques du Hutu Power et les ont déployés contre les Tutsis et contre leurs ennemis politiques en vue de se maintenir au pouvoir », assène Hassan Bubacar Jallow.

S'agissant des crimes de viols, précise le magistrat gambien, « il n'y aura personne ici qui sera désigné comme violeur, mais le vol a été la conséquence de leur politique génocidaire ».

Le nouveau procès progresse cahin-caha, souvent victime d'innombrables requêtes de la défense, en particulier de la part des avocats de Nzirorera, qui prennent trop de temps à la chambre.

Le juge Short se retire

Le 19 janvier 2007, nouvelle péripétie : alors que M.Webster vient à peine de citer 13 témoins sur la centaine annoncée au départ, le juge Short se retire « pour des raisons de santé ».

Les juges Byron et Kam décident de poursuivre et, un nouveau magistrat, le Danois Vagn Joensen, est désigné pour compléter le siège.

Mais en août 2008, Ngirumpatse, gravement malade, est hospitalisé à Nairobi. Faisant valoir son droit consacré par la jurisprudence du TPIR, d'être physiquement présent à son procès, il n'autorisera que la tenue de quelques audiences en son absence.

Son état s'étant légèrement amélioré, il reviendra au prétoire le 19 octobre 2009, date de l'ouverture de la défense de Nzirorera. La chambre ne siège cependant qu'une partie de la journée car l'ex-président du MRND « n'est ni guéri, ni en voie de convalescence », selon l'un de ses avocats, le Français Frédéric Weyl.

Me Peter Robinson, l'avocat américain de Nzirorera, présente sa défense sur fond d'une bataille quasi- permanente avec la chambre qui lui demande sans cesse de réduire son nombre record de témoins, dont plusieurs condamnés ou accusés du TPIR.

Le 1er juillet 2010, au milieu de la déposition du plus célèbre des détenus du TPIR, le colonel Théoneste Bagosora, le tribunal annonce la mort de Nzirorera. Deux semaines plus tard, il sera enterré en Belgique où vivent certains membres de sa famille.

Dans une décision rendue le 12 août, la chambre formalise l'extinction des poursuites engagées contre l'ancien dirigeant.

ER/GF

© Agence Hirondelle