23.08.10 - TPIR/KAREMERA - LE TON MONTE AU PROCES DES DIRIGEANTS DU MRND

Arusha, 23 août 2010 (FH) - Le ton est monté en début d'après-midi au  Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), alors que la chambre devait entendre la « déclaration liminaire » (introduction au défilé des témoins) de l'ex-président du MRND, Mathieu Ngirumpatse.

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« Vous êtes en train de défier la chambre », a lancé par deux fois le juge Dennis Byron à l'adresse des avocats de la défense.

« Mathieu Ngirumpatse a ses droits et l'équité veut que ses droits soient respectés. Je ne vois pas en quoi j'ai défié votre chambre », a répondu, imperturbable, Maître Chantal Hounkpatin, l'avocate principale française de l'ancien dirigeant. « Nous allons vous adresser un avertissement, à vous et à votre co-conseil (...) Nous reprendrons demain (mardi) matin », a déclaré le juge Byron.

A l'origine de cette polémique se trouve le décès de l'ancien secrétaire du parti, Joseph Nzirorera. Lors d'une conférence de mise en état dans la matinée, la chambre avait ordonné au procureur de procéder à certaines modifications de l'acte d'accusation de ce procès groupé pour que l'ancien dirigeant, décédé le 1er juillet, n'apparaisse plus comme accusé dans l'affaire, sa mort ayant entraîné l'extinction des poursuites à son encontre.

Revenus à l'audience, les avocats de Ngirumpatse ont cependant fait valoir que leur client n'avait pas encore reçu l'acte d'accusation modifié. Pressés par la chambre de prononcer leur déclaration liminaire, Me Hounkpatin et son co-conseil et compatriote  Frédéric Weyl ont demandé et obtenu l'autorisation de sortir du prétoire pour consulter leur client. « Mathieu Ngirumpatse ne m'autorise pas à faire de déclaration liminaire tant qu'il n'aura pas reçu l'acte d'accusation tel que corrigé par le procureur »,  a déclaré Me Hounkpatin à son retour dans la salle.

Maître Dior Diagne, l'avocate d'Edouard Karemera, ancien vice-président du MRND, a abondé dans le même sens, en affirmant que le procureur ne s'était pas conformé à l'ordonnance de la chambre. « On a l'impression qu'il nous nargue, mais je pense qu'il vous défie »,  a lancé l'avocate sénégalaise.

« Je suis surpris du ton de la défense. Nous avons suivi les instructions de la chambre », a réagi, depuis le banc du procureur, l'Américain Don Webster qui a affirmé avoir envoyé le nouveau texte aux avocats par internet vers midi.

La chambre a eu beau expliquer aux défenseurs que les modifications ordonnées ne touchaient pas au fond de l'affaire : ils ont tous affirmé que Nzirorera apparaissait toujours comme accusé dans l'acte d'accusation. Tous francophones comme leurs clients, ils ont également demandé à la chambre de leur donner une copie écrite de cette ordonnance verbale rendue en anglais pour qu'ils puissent éventuellement en faire appel.

Les juges ont promis que la copie de la décision dûment motivée serait disponible mardi.

Reste à savoir si la défense de Ngirumpatse déjà sous le coup d'une sanction acceptera de prononcer la rituelle déclaration liminaire pour que ses témoins puissent défiler à la barre.

Inculpés de crimes de génocide et de crimes contre l'humanité, les anciens dirigeants du MRND, qui clament leur innocence, répondent surtout d'exactions commises en 1994 par des membres de leur parti, en particulier les jeunes.

ER/GF

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