17.09.10 - RWANDA/GENOCIDE - RECONCILIER BOURREAUX ET VICTIMES, LE PARI DE LA PAROISSE MUSHAKA

Rusizi (ouest du Rwanda), 17 septembre 2010 (FH) - Réconcilier auteurs et victimes du génocide des Tutsis en 1994, c'est le pari « difficile mais pas impossible » de l'abbé Joseph Bandora et de sa petite paroisse de Mushaka, dans le sud-ouest du Rwanda.

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Pour le prêtre, il s'agit pour le bourreau, d'effectuer « un long cheminement de réconciliation avec sa conscience, avec Dieu et avec la famille de la victime ».

L'abbé Bandora explique, dans un entretien avec l'agence Hirondelle, qu'il ne suffit pas, pour le génocidaire, de se proclamer repenti. « La reconversion est mesurée à l'aune des actes », souligne l'homme d'église.

En 2009, la paroisse Mushaka a lancé un programme d'encadrement des condamnés pour génocide, pour les aider, lorqu'ils retrouvent la liberté après avoir purgé leur peine,  à « recouvrer les valeurs chrétiennes, sociales et humaines ». Selon Aloys Uwemeyimana, un laïc qui coordonne le programme, les résultats sont très encourageants et parfois même spectaculaires.

Gratien Nyaminani, la soixantaine, génocidaire repenti, a tué à coups de machette, en 1994, son voisin tutsi Védaste Kabera. Mais Donata Yankulije, fille du meurtrier, est aujourd'hui mariée à un fils de Kabera.

« J'ai tué son mari », avoue Nyaminani, désignant Bernadette Mukabera, la veuve du défunt. "Je remercie sa famille pour le pardon qu'elle m'a accordé et que je ne cesserai de lui demander ».

En prononçant ces mots, le sexagénaire a le bras posé, en guise de réconfort, sur l'épaule de celle qu'il a réduite au veuvage.

Chrétienne pratiquante bien connue dans toute la paroisse, cette dernière lève les bras au ciel et dit : « Nos enfants se sont aimés, cela aurait été un autre crime que de s'opposer à leur union qui scellait le retour à l'harmonie entre nos deux familles ».

De loin plus jeune que Nyaminani, Ildephonse Ntibaziyaremye, a également trempé dans le génocide, tuant un de ses oncles maternels. « J'ai été pire que le diable en personne. Malgré mes aveux et mon repentir, je sentais, dans mon for intérieur, que même le diable ne pouvait me pardonner ».

« Nous lui avons déjà pardonné», indique l'autre oncle de Ntibaziyaremye, qui prendra en charge une partie du coût de son mariage religieux en octobre.

Le programme dispensé par la paroisse de Mushaka couvre quatre séquences dont la première est consacrée au thème «les valeurs humaines, le péché et ses conséquences ». La deuxième planche sur « les dix commandements du Dieu », la troisième sur « les conséquences pour les victimes et les bourreaux eux-mêmes » tandis que la dernière traite de « la discrimination et ses conséquences ».

Tous les condamnés ne franchissent pas toutes ces étapes. Certains sont recalés.

Le programme, qui peut durer jusqu'à six mois, est couronné par une célébration eucharistique au cours de laquelle le prêtre, les victimes et d'autres chrétiens prient pour exorciser le repentant. Les repentis sont alors réadmis à la communion et à la convivialité avec les familles des victimes.

SRE-ER/GF

 © Agence Hirondelle