Cet arrêt transmis mardi à l'agence Hirondelle est un nouveau développement dans le dossier du juriste américain Peter Erlinder, accusé par Kigali de nier le génocide des Tutsis de 1994 dans ses discours et écrits, un crime puni par la loi rwandaise.
Le professeur Erlinder, qui défend au TPIR le major Aloys Ntabakuze condamné à la perpétuité en première instance, avait été arrêté au Rwanda le 28 mai alors qu'il préparait la défense, devant la justice rwandaise, de l'opposante Victoire Ingabire accusée elle-même de négationnisme.
Le 17 juin, la Haute cour du Rwanda a libéré le citoyen américain pour « raisons de santé ». Rentré chez lui après une brève escale au TPIR, il vaque de nouveau à ses occupations mais le procureur général du Rwanda Martin Ngooga affirme ne pas avoir abandonné les poursuites pour autant.
Alors qu'Erlinder venait de revêtir l'habit rose des détenus rwandais, Ntabakuze avait demandé au TPIR, le 3 juin, d'ordonner la remise en liberté immédiate de son défenseur et l'arrêt de toutes les procédures contre lui.
Dans sa décision, la chambre d'appel fait bien valoir l'immunité de l'avocat, mais dans le seul cadre de son travail de défense d'un accusé au TPIR.
Elle relève qu'en se rendant au Rwanda pour préparer la défense de l'opposante Ingabire, le professeur Erlinder n'exerçait pas un mandat du tribunal international.
« La chambre rappelle qu'au moment de son arrestation, Erlinder ne se trouvait pas au Rwanda en sa qualité de conseil de la défense de Ntabakuze. Ainsi donc, il ne pouvait faire valoir son immunité pour ne pas être arrêté et détenu », indique cet arrêt.
« Néanmoins, Erlinder bénéficie de l'immunité par rapport aux mots prononcés ou écrits dans le cadre de la représentation de Ntabakuze devant le tribunal », poursuit ce texte en anglais.
La chambre relève que la grande majorité des documents qui fondent les poursuites rwandaises ont été publiés par le professeur dans le cadre de sa vie privée ou académique, et non dans le cadre de ses prestations devant le TPIR. Le tribunal refuse ainsi de s'en mêler.
En revanche, il y a dans le lot, un article de presse relatant une intervention de l'avocat devant le TPIR en mai 2007.
Pour la chambre, la présence de cette pièce viole le principe de l'immunité de l'avocat dans l'exercice de sa mission.
Lors d'une conférence de presse lundi à Kigali, le ministre de la Justice Tharcisse Karugarama a rassuré que ce document serait expurgé du dossier, conformément à la décision du TPIR.
Le garde des sceaux rwandais a réitéré que le dossier Erlinder n'avait pas été enterré. Selon ses propos, la justice rwandaise peut, à tout moment, convoquer l'avocat américain qui a laissé, avant de quitter le Rwanda, une adresse à laquelle il pourrait être joint. « Il n'y a pas de date limite à cela », a indiqué le ministre promettant un procès équitable au défenseur américain.
Connu pour son hostilité au gouvernement rwandais actuel, M. Erlinder accuse souvent le TPIR de couvrir les crimes qui auraient été commis en 1994 par le Front patriotique rwandais (FPR) du président Paul Kagame.
ER/GF
© Agence Hirondelle