Massacres du Hamas: l'enquête miroir française, "une lucarne" sur les investigations israéliennes

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Après l'attaque sanglante du 7 octobre perpétrée par le Hamas, la justice française a ouvert une enquête dite "miroir" pour recueillir un maximum d'informations sur les victimes françaises. Mi-novembre, le procureur antiterroriste s'est rendu en Israël.

L'objectif de ce déplacement de trois jours était de "prendre contact avec les autorités compétentes et de faire un point concret sur les faits", a expliqué vendredi le Parquet national antiterroriste (Pnat) à l'AFP.

"On attend pour nos concitoyens un certain nombre de réponses sur le déroulement des faits, les causes des décès", a précisé le Pnat, saluant "une réelle coopération à ce stade" avec la justice israélienne.

Pour l'avocat Nathanaël Majster, qui a déposé sept plaintes au nom de victimes françaises, cette enquête miroir permet d'avoir "un niveau d'information égal en France et en Israël". "C'est comme si vous aviez une lucarne sur la procédure d'un autre pays. Sans cette lucarne, vous ne savez rien de ce qui se passe".

En Israël, il n'y a "pas eu d'acte d'enquête" mais le procureur Jean-François Ricard a eu confirmation que la demande d'entraide pénale internationale formulée par la France avait "été bien prise en compte", a précisé le Pnat, compétent pour enquêter dès lors que des victimes ont la nationalité française et "quand bien même certaines victimes et leurs familles ne seraient pas domiciliées en France".

- Relations diplomatiques -

Ces investigations miroirs permettent "aux victimes ou à leurs proches de s'exprimer dans leur langue maternelle, d'avoir un interlocuteur accessible au Pnat, des avocats français... La procédure judiciaire est alors plus simple à décoder", a estimé Me Muriel Ouaknine-Melki, avocate qui représente deux familles de victimes et préside l'organisation juive européenne (OJE).

Pour Me Sacha Ghozlan, cofondateur de AV7, association d'avocats des victimes du 7 octobre et conseil de familles d'otages, "faire intervenir la justice pénale française permet de s'extraire de la temporalité immédiate des autorités israéliennes, qui sont aujourd'hui dans le temps de la guerre et de la diplomatie, pour recueillir des éléments de preuve, documenter les crimes, auditionner les victimes..."

Courantes dans la pratique judiciaire, ces enquêtes peuvent peiner "quand elles concernent des faits commis dans des pays où la France n'a plus de relation diplomatique", note une source judiciaire. Par exemple, elles sont aujourd'hui compliquées avec les pays du Sahel: au Mali la France n'a aujourd'hui "plus de coopération" et au Burkina, "très peu".

Au contraire, certaines ont pu devenir de véritables "enquêtes de soutien", surtout quand les pays n'avaient pas "les moyens d'investiguer", note de son côté un magistrat français. "L'intuitu personae est extrêmement important: quand les gens se connaissent, cela accélère et améliore la procédure", ajoute la source judiciaire.

- "Systématisation des attaques" -

Concernant les massacres du Hamas, l'enquête est ouverte depuis le 12 octobre pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste, enlèvements et séquestrations en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste.

Plusieurs avocats espèrent un élargissement des investigations aux crimes contre l'humanité, le Pnat ayant reçu cinq plaintes en ce sens.

"Ce massacre ne relève pas seulement du terrorisme, mais de crimes contre l'humanité", a insisté Me Majster. "Il y a eu une systématisation des attaques contre des civils, des viols et une hybridation dans l'action entre les hommes armés du Hamas et des civils palestiniens que des témoins ont vu piller, détruire, participer aux kidnappings et même tuer", affirme l'avocat désigné par la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), qui s'est jointe à ces plaintes.

Selon Israël, 1.200 personnes, en majorité des civils, ont été tuées lors de cette attaque au cours de laquelle environ 240 personnes avaient été enlevées.

En représailles, Israël mène des bombardements intenses sur Gaza, petit territoire palestinien contrôlé par le Hamas depuis 2007. Selon un nouveau bilan dimanche du Hamas, ces bombardements ont fait 15.523 morts - à 70% des femmes et des enfants - et 41.316 blessés.

Le 31 octobre, le ministère français des Affaires étrangères avait annoncé la mort de deux enfants français à Gaza. Le Pnat a indiqué ne pas avoir "à ce jour" ouvert d'enquête "car les éléments factuels sur les décès, notamment leur identification et leur nationalité, ne sont pas consolidés".