Le patron des députés LR, Olivier Marleix, 52 ans, joue gros lors de l'examen du projet de loi sur l'immigration qui débute lundi à l'Assemblée nationale, sa crédibilité dépendant de sa capacité à tenir ses troupes indisciplinées.
"Est-il majoritaire dans son propre groupe ?", ironise un cadre du parti Les Républicains, lassé d'entendre des voix dissonantes sur l'immigration au sein des 62 députés.
Soutien d'Edouard Balladur en 1995, cet homme plutôt discret à l'élégance classique est élu pour la première fois en 2012 en Eure-et-Loir, loin de la circonscription du Cantal de son père, l'ancien secrétaire d'Etat Alain Marleix.
En 2022, il est propulsé à la tête d'un groupe parlementaire décimé par les défaites électorales et composé d'élus souvent présentés comme des autoentrepreneurs.
Des députés Les Républicains qui considèrent avoir sauvé leur peau lors des législatives de l'an dernier grâce à leur ancrage territorial et non grâce à leur appartenance à un parti groggy après une présidentielle marquée par la déroute de sa candidate Valérie Pécresse.
La tâche d'Olivier Marleix n'est pas aisée, reconnaît l'influent sénateur Roger Karoutchi qui lui accorde le mérite "considérable" de s'efforcer de conserver l'unité d'un groupe aussi disparate.
"Il a un job compliqué", explique à l'AFP celui qui a récemment demandé un "recadrage" du député Aurélien Pradié, l'un des trublions du parti qui s'est opposé à la version sénatoriale du projet de loi sur l'immigration, le jugeant "trop centriste".
Le député du Lot s'était déjà démarqué de la ligne de son patron lors de la réforme des retraites, soutenant avec 18 de ses collègues une motion de censure contre Elisabeth Borne.
Sur l'immigration, les brèches sont apparues au grand jour fin novembre dans une tribune signée par 17 députés LR qui tendaient la main au ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.
Pour éviter de donner une image de division sur l'immigration, un sujet de prédilection de la droite, M. Marleix a vite fait voter une motion, adoptée à l'unanimité, où les députés se sont engagés à ne pas soutenir un texte "dégradé" par rapport à celui approuvé par la majorité de droite au Sénat.
Après le passage en commission, qui a en partie détricoté le texte de la chambre haute, l'examen à l'Assemblée constitue l'heure de vérité pour M. Marleix. Combien de ses députés suivront ses directives ?
Un ténor de la majorité considère que le chef de file se retrouvera en très mauvaise position si plus de 5 députés LR soutiennent le texte sur l'immigration: "Soit ils votent contre, soit ils explosent, et l'explosion se traduira en tout premier lieu par le départ de Marleix", pronostique-t-il.
-"Haine de Macron"-
Nostalgique du Gaullisme et souverainiste assumé, père de deux filles, M. Marleix est un anti-macroniste farouche qui s'est illustré en saisissant la justice en 2019 après avoir présidé la commission d'enquête sur le rachat controversé de la branche énergie d'Alstom par l'américain GE, finalisé alors que le chef de l'Etat était ministre de l'Economie.
"Il a une véritable haine pour Emmanuel Macron", mais aussi pour les ex-LR partis rejoindre la majorité comme Gérald Darmanin qu'il accuse régulièrement de mentir ou encore l'ancien Premier ministre Edouard Philippe, explique une source du parti.
Une ligne qui n'est pas partagée par tout son groupe.
"Il est vertical, il a besoin de cheffer", déplore un député qui lui reproche des "erreurs", notamment des décisions prises sans concertation.
Pour Sébastien Chenu, vice-président du Rassemblement national et de l'Assemblée, il manque deux qualités au chef de file LR: "l'approche politique et une dose de courage".
Un cadre LR attribue les difficultés de M. Marleix au sein du groupe à son "péché originel", de ne pas avoir proposé la vice-présidence à Julien Dive, son rival lors de l'élection.
Un collègue socialiste le juge "irrité" par l'indiscipline de ses députés, même s'il l'exprime rarement en public, où il fait souvent preuve d'un humour sarcastique.
Il l'a démontré il y a un an lors du pot de fin d'année des sénateurs LR où il a été très applaudi. "Je vais envoyer mes députés faire un stage chez vous", a-t-il soufflé.

