Aleksandar Vucic, un président serbe omniprésent

Il n'est pas candidat, pourtant son visage est partout. Le président serbe Aleksandar Vucic, a fait de la campagne pour les législatives anticipées du 17 décembre un référendum pour ou contre lui - assurant qu'il ne se voyait pas cohabiter si l'opposition était victorieuse.

Ses apparitions "dominent le débat public, et donnent l'impression qu'il s'agit d'une campagne présidentielle, et non parlementaire", écrit le groupe de réflexion CRTA (Centre pour la recherche, la transparence et la responsabilité). Aleksandar Vucic "occupe près de la moitié du temps d'information politique des principaux médias".

Dans ces médias largement sous influence, le président âgé de 53 ans, se présente comme un leader infatigable qui se dépense sans compter pour favoriser les investissements et créer des emplois.

Sur son compte Instagram, il poste pour ses dizaines de milliers de followers ses apparitions à la télé, met en scène les dizaines d'aides distribuées aux jeunes, aux retraités... ou encore se montre en train de préparer du porc grillé chez des gens.

Il documente aussi chacune de ses rencontres avec d'autres chefs d'Etats et de gouvernement. On l'a ainsi vu accueillir, quelques jours avant les élections, la présidente du conseil italien Georgia Meloni avec un immense bouquet de roses rouges au pied de son avion. Ou en grande conversation à la COP28 avec le président des Emirats arabes unis, Cheikh Mohamed ben Zayed al-Nahyane.

Avec le temps, Aleksandar Vucic est passé maître dans l'art de naviguer entre l'Union européenne, à laquelle son pays est candidat, la Russie, d'où vient la quasi-totalité du gaz utilisé en Serbie, la Chine, dont les investissements se comptent en milliard, et les Emirats, qui financent une partie des grands projets urbains de Belgrade.

Pour ses partisans, les années au pouvoir de Vucic ont ramené de l'ordre - et des milliards d'investissements dans un pays autrefois chaotique, grâce à sa réussite à équilibrer habilement les liens entre l'Est et l'Ouest. Entre 2012 et 2022, les investissements directs étrangers entrants en Serbie sont passés de 1 milliard d'euros à 4,4 milliards.

"Je le soutiens parce qu'il a créé de meilleures conditions pour la nation, généralement pour toute la Serbie. Je pense que la Serbie est un meilleur pays depuis qu'il est au pouvoir, notamment pour les enfants, pour les jeunes mères, pour les familles, les personnes sans domicile", expliquait début décembre Zorica Jovanovic. L'infirmière était venue applaudir le président lors d'un grand meeting organisé dans le principal stade de Belgrade.

Sur scène, le président a martelé sa fierté de voir que "la Serbie est un des rares pays en Europe qui mène une politique autonome, indépendante et libre. Ce constat me rend fier, parce que vous, les citoyens de la Serbie, vous seuls décidez de ce que la Serbie va faire".

Au milieu de ballons et des drapeaux serbes, il a appelé à voter pour les candidats de la liste "Aleksandar Vucic, la Serbie ne doit pas s'arrêter". "Nous devons avoir 50%, plus que les autres tous ensemble. Nous devons gagner pour l'avenir de la Serbie. Les quatre prochaines années sont les plus importantes."

- Pragmatique -

Ancien collaborateur ultranationaliste de l'ex-homme fort Slobodan Milosevic, Aleksandar Vucic, géant au visage poupin, a longtemps défendu les leaders serbes de Bosnie accusés d'atrocités pendant le conflit de 1992-95. "Si vous tuez un Serbe, nous allons (tuer) cent Musulmans", menaçait-il en 1995, peu après le massacre de Srebrenica où 8.000 musulmans furent tués par les forces serbes bosniennes.

Mais il a opéré dans les années 2000 une mue lui permettant de survivre à la chute de l'ancien président - mort en 2006 à La Haye alors qu'il était jugé pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre par la justice internationale.

En 2008, Vucic quitte le Parti radical ultra nationaliste et fonde le Parti serbe du progrès (SNS), conservateur et pro-européen, vainqueur aux législatives de 2012.

Premier ministre adjoint, Premier ministre, président, la carrière politique de cet avocat de formation connut dès lors une trajectoire fulgurante.

A la tête de la Serbie, il a toujours affirmé qu'il ne reconnaitrait jamais l'indépendance du Kosovo - l'ancienne province serbe a déclaré son indépendance en 2008.

Partisan de la neutralité militaire du pays, il a expliqué début décembre qu'il souhaitait que la Serbie soit "un pays neutre militairement, qui souhaite des relations normales, professionnelles et correctes avec l'Otan".

Ses contempteurs le taxent de populisme et d'autoritarisme, alors que les voix dissonantes sont mises au ban et considérées comme des traîtres à la solde de l'étranger ou des dégénérés.

Le président a mis ses opposants à genoux via "l'érosion des droits politiques et des libertés civiles, les pressions sur les médias indépendants, l'opposition politique et les organisations de la société civile", écrit l'ONG américaine Freedom House dans son rapport 2021.

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