31.03.11 - TPIR/MILITAIRES I - LE PROCUREUR APPELLE LE TPIR A CONFIRMER LA CONDAMNATION DE BAGOSORA

Arusha, 31 mars 2011 (FH) - Le procureur auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a appelé jeudi la chambre d'appel à confirmer la condamnation en décembre 2008 du colonel Théoneste Bagosora, le plus connu des détenus de cette juridiction des Nations Unies.

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Directeur de cabinet au ministère de la Défense en 1994, Bagosora a été condamné à la perpétuité en première instance, après avoir été jugé coupable de crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

« La culpabilité de Bagosora a été prouvée au-delà de tout doute raisonnable. Cela ne saurait être remis en cause », a déclaré George Mugwanya du bureau du procureur.

L'une des conclusions des premiers juges est que l'appelant était la plus haute autorité militaire au cours de la période du 7 au 9 avril 1994. Période au cours de laquelle des militaires ont tué le Premier ministre Agathe Uwilingiyimana et d'autres personnalités politiques de l'opposition, 10 soldats belges de la force de l'ONU ainsi que des milliers de civils Tutsis.

Le ministre de la Défense Augustin Bizimana se trouvait en mission à l'étranger tandis que le chef d'état-major de l'armée, le général Déogratias Nsabimana, venait de trouver la mort dans l'attentat contre l'avion du président Juvénal Habyarimana.

Selon la chambre de première instance, l'ancien directeur de cabinet n'a rien fait, en dépit de son autorité, pour prévenir ces massacres, les arrêter ou en punir les auteurs, une conclusion contestée par l'appelant.

« Il a été largement établi que Bagosora était le chef des forces armées. Il exerçait un contrôle sur les forces armées», a insisté George Mugwanya.

Le magistrat ougandais s'est notamment appuyé sur le témoignage du général canadien Roméo Dallaire qui commandait la force de l'ONU au Rwanda.

Il a souligné que le colonel avait lui-même reconnu son autorité sur l'armée et la gendarmerie, en affirmant, lors de son témoignage, avoir convoqué et présidé, dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, une réunion des commandants des deux forces.

Plus tôt dans la journée, la défense avait contesté ces conclusions des premiers juges, en se basant notamment sur le témoignage, la veille, de l'actuel ministre rwandais en charge des catastrophes et des réfugiés, le général Marcel Gatsinzi.

Sommé de comparaître pour éclairer les juges sur les pouvoirs militaires de Bagosora au cours de cette période, Gatsinzi qui fut chef d'état-major intérimaire de l'armée du 7 au 15 avril 1994, a déclaré que le colonel lui avait mis des bâtons dans les roues.

Maître Richard Perras, l'un des avocats de Bagosora, a affirmé que toutes les allégations portées par le témoin contre l'ancien directeur de cabinet n'étaient que pure spéculation ou ne reposaient que sur des ouï-dire.

Le général avait notamment déclaré que l'appelant donnait des ordres à certains officiers, à l'insu de la hiérarchie militaire.

Me Perras a par ailleurs cité quelques exemples prouvant, selon lui, que son client, alors à la retraite, n'était pas le chef militaire du Rwanda, du 7 au 9 avril 1994.

« Le fait que Bagosora a été exclu du comité de crise (mis en place par des officiers supérieurs d'active dans la nuit du 6 au 7 avril 1994) montre bien qu'il n'était pas considéré comme la plus haute autorité militaire », a avancé l'avocat canadien.

Et même dans l'hypothèse où cette position d'autorité était démontrée, il n'a pas été prouvé que le directeur de cabinet « savait que ces crimes allaient être commis ; un être humain ne peut pas lire dans l'avenir, savoir tout et être partout », a ajouté le défenseur.

Bagosora est jugé en appel avec l'ancien commandant du secteur opérationnel de Gisenyi (nord), le lieutenant-colonel Anatole Nsengiyumva, également condamné à la perpétuité en première instance.

Vendredi, dernier jour de l'audition de leurs recours, les deux officiers pourront, s'ils le souhaitent, s'adresser en personne à leurs juges d'appel.

ER/GF

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