Poutine, tsar guerrier en quête de grandeur internationale

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Invasion de l'Ukraine, répression en Russie, confrontation avec les Occidentaux: c'est en chef de guerre autoritaire que Vladimir Poutine, au Kremlin depuis un quart de siècle, entame mardi son cinquième mandat.

Le dirigeant russe a récolté en mars plus 87% des suffrages exprimés lors d'une élection taillée sur mesure, sans aucune opposition tolérée et dénoncée en Occident comme un simulacre de démocratie.

M. Poutine, qui a fait réviser en 2020 la Constitution pour pouvoir rester aux commandes de son pays jusqu'en 2036, a effectué quatre mandats (deux de quatre ans, deux autres de six ans), entrecoupés par un intermède en tant que Premier ministre.

Au fil des ans, la verticale du pouvoir instaurée par Vladimir Poutine, issu du KGB soviétique et arrivé au Kremlin le 31 décembre 1999, a révélé deux grandes caractéristiques de son régime.

La première, celle d'un durcissement constant avec d'abord la mise au pas des oligarques, la deuxième guerre de Tchétchénie, l'étouffement des libertés publiques, des médias et de l'opposition.

Son plus célèbre opposant, Alexeï Navalny, est mort mi-février dans des circonstances troubles dans la prison de l'Arctique russe où il purgeait une longue peine pour "extrémisme".

Deuxième caractéristique : une quête de puissance géopolitique, avec la guerre en Géorgie (2008), l'annexion de la Crimée ukrainienne (2014), l'intervention militaire en Syrie (2015), et l'invasion de l'Ukraine (2022).

L'Europe, en particulier l'Allemagne d'Angela Merkel, avait cru pouvoir canaliser ces ambitions, pariant sur l'interdépendance économique via des achats massifs de gaz russe. En vain.

- "Nouveau monde" -

A 71 ans, Vladimir Poutine semble plus indéboulonnable que jamais.

Il est certes empêtré dans la guerre en Ukraine où son armée a subi d'humiliantes défaites en 2022, mais il persiste coûte que coûte, tablant sur une victoire à l'usure grâce à la fatigue des alliés occidentaux de Kiev et de la population ukrainienne.

Et, plus de deux ans après le début de l'assaut, Vladimir Poutine voit des raisons d'y croire.

Ses troupes se sont emparées mi-février de la ville forteresse d'Avdiïvka, dans l'est, et continuent de pousser vers celle de Tchassiv Iar face à une armée ukrainienne en manque de munitions et d'hommes.

Fin février, il a juré que ses soldats "ne reculeraient pas" en Ukraine.

Pour la Russie, c'est une "question de vie ou de mort", répète-t-il à l'envi. Juste après sa réélection mi-mars, il avait assuré que le pays était plus "uni" que jamais.

Depuis qu'il a déclenché l'offensive en février 2022, il a accusé l'Ukraine de "nazisme", revendiqué ses territoires et présenté le conflit comme une guerre par procuration ourdie par les Américains.

Qu'importe les sanctions occidentales, qu'importe que la Cour pénale internationale le poursuive pour la déportation d'enfants ukrainiens et qu'importe les pertes de l'armée. Car le président russe s'est donné une mission : en finir avec l'hégémonisme occidental.

En octobre 2023, il annonce avoir pour "tâche de bâtir un nouveau monde".

- En confiance -

Il faut dire que l'ex-agent du KGB, en poste en Allemagne de l'Est dans les années 1980, reste meurtri par la désintégration de l'Union soviétique et sa défaite dans la Guerre froide.

Vladimir Poutine peut se targuer de sa proximité avec la Chine, de la soif de l'Asie pour ses hydrocarbures ou encore de voir ces pays africains se tourner vers Moscou et ses groupes paramilitaires pour contrer le "néocolonialisme" occidental.

Il assène un autre leitmotiv. Pour lui, la Russie est le porte-drapeau des valeurs "traditionnelles", face à ce qu'il juge être la "décadence" morale de l'Occident du fait de sa tolérance à l'égard des LGBT+.

Avec l'échec de la contre-offensive ukrainienne de l'été 2023, Vladimir Poutine se sent en confiance.

Il a opéré un retour sur la scène internationale et l'économie russe a absorbé le choc des sanctions occidentales, malgré l'inflation et la dépendance grandissante envers la production militaire.

Tout puissant qu'il soit, les défis ne manquent pas.

Sa guerre en Ukraine est loin d'être gagnée. La capacité des Russes, des élites et de l'économie à supporter ce conflit dans la durée reste un véritable point d'interrogation. La mutinerie en juin 2023 des mercenaires de Wagner, conduite par Evguéni Prigojine, longtemps un de ses fidèles, en a été l'illustration.

La mort des chefs rebelles dans un crash d'avion, présenté comme accidentel, a permis au Kremlin de clore ce chapitre.

- Répression -

Sur le front politique intérieur, le Kremlin ne tolère aucune opposition.

Certains sont morts, comme Alexeï Navalny et Boris Nemtsov, assassiné en 2015. Des centaines de militants connus et anonymes sont derrière les barreaux pour avoir dénoncé l'invasion de l'Ukraine.

Néanmoins, pour une majorité de ses compatriotes, Vladimir Poutine reste celui qui a rendu son honneur à une Russie minée par la misère, la corruption et la déchéance alcoolique de son prédécesseur Boris Eltsine.

Âgé de 47 ans lorsqu'il entre au Kremlin, Vladimir Poutine promet l'amitié aux Occidentaux et développe l'économie, profitant des cours favorables des hydrocarbures.

L'Américain George W. Bush le juge à l'époque "remarquable", l'Allemand Gerhard Schröder et l'Italien Silvio Berlusconi sont ses amis. Malgré la répression qui s'installe, malgré les exactions en Tchétchénie.

Mais les germes du divorce sont déjà là. Et Vladimir Poutine les présente publiquement en 2007 à Munich dans un réquisitoire virulent face à des dignitaires occidentaux.

Il accuse l'Otan de menacer la Russie et reproche aux États-Unis de se voir en "seul souverain" du monde. Des arguments recyclés pour défendre la décision d'attaquer l'Ukraine, 15 ans plus tard.

Sa vie privée est entourée, quant à elle, du plus grand secret. Ses deux filles ont été élevées dans une extrême discrétion, même si l'une d'elles a fait des apparitions publiques ces dernières années.